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Critique de Tagrawla


Pour resituer les choses, Restif de la Bretonne était un libertin graphomane du XVIIIe siècle, l'inventeur du mot "pornographie". Et le fait est qu'on trouve dans ses écrits des choses très crues. Il s'auto-éditait à l'époque, et il est évident qu'il serait contraint de faire la même chose de nos jours, et encore aurait-il des problèmes.
La paysanne pervertie est une lecture fascinante à plus d'un titre, et pas seulement pour ses instants de pornographies.
Il y a d'abord la langue. Je ne vais pas vous mentir : c'est compliqué à lire. La langue de cette époque n'est pas la même que celle d'aujourd'hui. Elle est beaucoup plus riche, et en plus la construction des phrases est extrêmement différente de la façon dont on parle ou écrit de nos jours. Il faut plusieurs dizaines de pages lues avant de nous y adapter.
Mais il y a surtout la réflexion autour de ce que signifie et implique la notion de libertinage. C'est un grand questionnement, à l'époque de Restif de la Bretonne. Nombre d'auteurs se répondaient les uns aux autres par romans interposés - le plus célèbre et génial restant Les Liaisons Dangereuses - souvent, comme c'est le cas ici, sous forme épistolaire. Nous sommes très loin des littérateurs nombrilistes de notre temps : chacun alors apportait sa réflexion à la meilleure façon de se libérer d'une morale poussiéreuse sans pour autant y perdre sa dignité.
Soyons très clair : cette lecture est absolument impossible pour tous ceux qui ne savent pas remettre une oeuvre dans un contexte historique. Les rôles qu'y tiennent les femmes, le sort qui leur est réservé sont absolument épouvantables. Je ne crois pas avoir jamais lu avant descriptions de viols plus insupportables, mais peut-être moins que la façon qu'on avait alors d'y réagir ensuite. (Spoil : le mieux qu'on avait à proposer, c'était d'épouser le violeur pour que tout rentre dans l'ordre, ou de devenir sa maîtresse officielle contre rémunération). Sans contexte historique, on aura aussi sans doute un peu de mal à saisir la place tout à fait secondaire réservée aux questions de maternité, et pas seulement parce que c'est un homme qui écrit.
Enfin, nous sommes à l'ère du rousseauisme et du bon sauvage : on y oppose la perversion urbaine à la pureté paysanne. Là encore, il faut pouvoir s'appuyer sur un contexte historique si on ne veut pas risquer la crise d'apoplexie.
C'est une lecture que je recommande chaleureusement non tant pour ses qualités littéraires que pour appréhender par un autre biais la notion de morale et pour nourrir une certaine curiosité historique. En particulier, si l'on veut comprendre la notion de pornographie : autant en revenir aux bases.
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