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Critique de oiseaulire


"Serge" de Yasmina Reza est un peu lent à démarrer, mais quand il décolle, on ne le lâche pas.

A travers le narrateur, frère de Serge, on fait connaissance de trois générations de descendants juifs hongrois. le sort des membres de leur famille assassinés par la shoah pèse en silence, se manifeste en creux. Nul ne l'évoque. La vie a repris son cours.

Alors que la génération des aînés ou celle des parents se soucie peu de passage mémoriel et de transmission, et même essaie de rompre le fil avec le passé, voici que la jeune Joséphine, la vingtaine, "traîne", plutôt qu'elle ne les embarque de gaité de coeur, sa mère et ses deux oncles dans une visite mémorielle du camp d'Auschwitz.

C'est l'occasion d'évoquer la difficulté des relations familiales : la fraternité, le poids du père, la prépondérance de la mère, les animosités et les tendresses parfois très cachées qui forment le substrat des liens de sang ou d'alliance.

C'est aussi l'occasion de réfléchir sur ce qu'est la judéité, et d'abord n'y a-t-il qu'une judéité, il semble qu'il y en ait plusieurs, en fait autant que de personnes.

La transformation des camps de la mort en destination touristique est abordée avec une lucidité un peu grinçante, mais sans condamnation des personnes captives de toute façon du marketing ; comment lui échapper ? Faut-il fermer les camps et les laisser envahir par les ronces ou les entretenir à des fins mémorielles et inévitablement commerciales avec parc hôtelier, ville fleurie, restauration périodique des locaux, et toute l'infrastructure qui s'en suit ?

Le regard de Yasmina Reza est acéré, mais finalement assez tendre. Les membres de cette famille sont insupportables parfois et truffés de défauts, mais on les aime bien... Et on se rend compte, petit à petit, que ces gens ne déméritent nullement et affrontent avec courage les ogres du chemin qui ont nom deuil, chagrin d'amour, solitude, maladie, vieillesse, mort.

J'ai noté quelques extraits parmi les citations, je ne vais pas les recopier. Mais je voudrais en ajouter une qui m'a beaucoup touchée tant elle exprime d'amour (rentré, mais intense) pour un enfant, le petit Luc :

"Qu'est-ce qu'il fabrique dans cette cuve pleine de champignons et de miasmes ? le pédiluve fait deux mètres cinquante de long, je le traverse comme un échassier pour éviter de poser mon pied. J'en extirpe le gosse qui veut y rester. Pour lui c'est une petite piscine, pour moi c'est le Gange.
Dans l'eau j'essaie de lui apprendre à nager. Il a neuf ans, les enfants nagent à son âge. Je lui montre prière, sous-marin, avion, mais il s'en fout, il veut jouer. Il va partout, il se jette, il saute, il se noie à moitié. Je le ressors, il a l'air d'un rat avec sa dent de travers. Il rit."



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