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Critique de fabienne2909


Lorsque June est confrontée à la perte de son oncle Finn, causée par le sida, sa tristesse est immense, tant Finn représentait pour elle, au-delà du lien de parenté, un meilleur ami mais aussi, malgré sa répugnance à se l'avouer, un premier amour.

C'est ainsi un double deuil que June expérimente, celui de la mort d'un proche mêlé au dépit amoureux quand elle se rend compte qu'elle ne savait pas tout de Finn, notamment une information importante : l'existence de son compagnon, Toby.

Quand celui-ci entrera en contact avec elle, même si spontanément, elle le déteste, elle verra aussi l'occasion à travers lui de mieux connaître Finn. Ce sera le cas, mais elle fera aussi la connaissance de Toby et des secrets qui entouraient sa relation avec Finn, lui ouvrant de nouvelles perspectives et des clés de compréhension du monde qui l'entoure, ce qui n'est pas rien quand on vient d'entrer dans l'adolescence…
« Dites aux loups que je suis chez moi » est un premier roman très riche, qui mêle des sujets assez lourds et difficiles à traiter. le roman se passe dans les années 1980, à l'époque où le sida était une source d'angoisses et de clichés stigmatisants, en plus de perturber la vie des adolescents de l'époque (« le mercredi suivant était le 1er avril. le président Reagan passait à la télévision pour faire un grand discours sur le sida. C'était la toute première fois. Apparemment, il en connaissait un rayon sur le sujet depuis un moment, mais il avait préféré garder le silence. Ce qu'il a dit, c'est que tout le monde – et en particulier les adolescents – devait arrêter de faire l'amour. Il ne s'est pas exprimé précisément en ces termes, mais en gros, c'était ce qu'il voulait dire. ») Mais en réalité, ce n'est pas vraiment un roman sur cette époque, même si elle lui donne son contexte, en tout cas je l'ai ressenti ainsi, mais plutôt un roman sur une jeune fille qui tout simplement grandit et qui apprend, en traversant son épreuve personnelle, à s'ouvrir aux autres.

En effet au début du roman, June est une adolescente un peu geek, solitaire, qui aime d'une manière exclusive (« […] j'ai toujours été comme ça. Je n'ai besoin que d'une personne sur qui compter. »), et qui est passionnée par le Moyen Âge, ou plutôt ce qu'elle en perçoit : un monde plus simple, où fuir un présent qu'elle peine à comprendre (« […] si je scrutais avec assez d'insistance, les morceaux du monde se rassembleraient peut-être pour former quelque chose que j'arriverais à comprendre »). Elle entretient des relations classiquement – du moins à cet âge – compliquées avec sa soeur Greta, d'un an son aînée, laquelle est clairement jalouse de la relation que June a pu avoir avec leur oncle, et dont elle a été exclue.

Dans la première partie, jusqu'à ce qu'elle rencontre Toby, June m'a ainsi semblé étrangement fermée aux autres. Elle semble se rendre compte que Greta aimerait avoir plus de relations avec elle mais elle n'en fait rien, persuadée que sa soeur la déteste. Elle ne sait pas pourquoi elle accepte de rencontrer Toby malgré l'envie d'en savoir plus sur la vie de son oncle, mais à son contact, elle se rend compte que les choses ne sont pas binaires, et qu'elle aussi, elle peut offrir quelque chose aux autres. Son évolution transparaît ainsi dans sa manière de nous faire percevoir Toby : au début, je me suis sentie méfiante envers ce personnage trop gentil, trop coulant, aux intentions pas très claires (que veut-il de June ?). Mais peu à peu, il a fini par me toucher car il essaie de toutes ses forces de se fondre dans les attentes de June à son égard : qu'il soit le gardien du monde de Finn tel qu'elle le connaissait, c'est-à-dire sans sa présence à lui, avant qu'elle l'accepte tel qu'il est.

Le coup de coeur est lentement venu à la lecture de ce roman très mélancolique, dont je me souviens avec des couleurs grises et mornes, comme l'hiver auquel June tient tant, car il cadre mieux avec l'idée qu'elle se fait du Moyen Âge. Carol Rifka Brunt a réussi à trouver la voix de June, celle d'une adolescente observatrice, parfois ironique, mais pleine d'esprit et retranscrit par son biais, de manière très crédible, les affres de l'adolescence, quand on cherche sa place, son identité dans un monde difficilement compréhensible. Il y est ainsi beaucoup question du temps, celui qui passe et qui ne revient pas, qui nous fait évoluer malgré la résistance qu'on lui oppose, quand on sait que la personne que l'on est aujourd'hui ne sera plus déjà plus la même dès le lendemain. de cette évolution à marche forcée que Carol Rifka Brunt décrit si bien sourd une petite musique mélancolique qui fait le charme de ce roman : June semble être condamnée à grandir dans le deuil et l'urgence du temps qui passe et qu'on ne peut rattraper. C'est beau et c'est tragique à la fois. N'hésitez pas à dire à votre tour aux loups que vous êtes chez vous ! Qui sait ce qu'ils pourraient vous répondre ?
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