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Critique de DragonLyre


Ce roman s'ouvre sur une scène brutale : sous la pluie, Zélie lutte pour rassembler ses affaires que son compagnon a jetées par la fenêtre de leur appartement, suite à une énième dispute. N'ayant ni famille ni amis, elle se retrouve coupée de tout, ne sait où trouver refuge. Il ne lui reste que sa chienne Sita, sa voiture… et cette mystérieuse lettre – en provenance d'un notaire – qu'elle n'a toutefois pas eu l'occasion de parcourir avant que le déluge ne la rende illisible. Déboussolée, elle décide de remonter à la source, espérant y trouver une échappatoire à son calvaire actuel. Malheureusement, sur place, le cabinet est fermé et pire encore, Sita se fait renverser de nuit par un automobiliste. le hasard a cependant bien fait les choses : Mathias, un jeune vétérinaire habitant non loin des lieux de l'accident, entend les cris de détresse de Zélie. Alors qu'il prodigue d'urgence les soins dont la chienne a désespérément besoin, la maîtresse finit par perdre connaissance, terrassée par la fièvre. de là, Mathias et Zélie apprendront à mieux se cerner, à se dévoiler et à s'aimer.

Le postulat de départ respecte les classiques, les codes du genre. L'intérêt d'une romance ne se situant pas tant dans son originalité que par sa façon de traiter ses personnages ou les thèmes secondaires qui peuvent en émerger. L'Oiseau Rare nous jette d'emblée dans l'arène ; on perçoit les fêlures de Zélie, sa vulnérabilité, son parcours du combattant loin de se terminer. Fuyant une relation abusive, elle peine à s'ouvrir aux autres, se sous-estime constamment, se pense ennuyeuse et sans qualités. Mathias et son entourage lui prouveront petit à petit le contraire. Pourtant, malgré ce départ en grande pompe, je me suis assez vite lassée de leur histoire pour un certain nombre de raisons.

Premièrement, la forme. le récit est jalonné de coquilles diverses et variées, des « a » au lieu de « e », des fautes de conjugaison (verbes déclinés à la troisième personne malgré la double narration à la première), des problèmes d'accords de participe passé (fin en –ée pour un personnage masculin),… Des répétitions, beaucoup de « sourires », de « un peu », de « je me penche », « je me tourne »,… Et ce surnom, Moineau, joli et porteur de sens, mais qui envahit les dialogues au point d'en devenir indigeste. J'ai du mal à imaginer qu'on puisse l'employer autant dans de multiples conversations, dans la vie de tous les jours. de mon point de vue, le style manque parfois de profondeur, de maturité, jusque dans les faits. Combien de promenades de Sita évoquées en quelques mots alors qu'elles n'apportent rien, même si je suis consciente de l'importance de la chienne aux yeux de Zélie ? Combien de levers, couchers, repas qui ne font pas avancer l'intrigue ou les personnages ? D'un côté, cela rend le duo plus proche de nous, de nos quotidiens ordinaires ; d'un autre, cela amène une certaine redondance, et un récit qui a tendance à s'essouffler. On y cherche sans succès un peu de piquant.

Deuxièmement, le fond. Autant Zélie a une vraie histoire à nous raconter, un périple dont elle cherche à se relever par ses propres moyens, même si elle ignore par où commencer. Elle est pleine de failles et de dilemmes, torturée sans être sombre. Autant Mathias paraît survolé. Puisqu'il alterne les chapitres avec elle, il devrait avoir une place aussi importante dans l'intrigue, mais nous n'apprenons par exemple que très tardivement qu'il loge près de chez ses parents. Ces derniers donnent l'impression d'apparaître par magie pour redisparaître aussitôt, après avoir jeté à la hâte une justification aux faiblesses de leur progéniture. Ses sorties entre amis se limitent comme celles de Sita à quelques mots, phrases, que l'on retrouve de chapitre en chapitre. Il ne semble exister qu'à travers les yeux de Zélie, comme s'il ne vivait que pour elle et son travail alors qu'on nous campe un cercle d'amis soudés en parallèle. D'autres occurrences, une accumulation de drôles de coïncidences, viennent aussi mettre à mal la crédibilité de l'intrigue ; je ne peux pas en parler plus en détail sans spoiler.

D'emblée, Zélie et Mathias affichent une même connivence, une complicité qui sonne faux, car tout va beaucoup trop vite selon moi. La jeune femme a été malmenée pendant des années, sous le joug d'une domination qui, à défaut de la violenter physiquement, la démolissait psychologiquement au quotidien. Et pourtant, en quelques jours, la voilà qui partage son lit avec un parfait inconnu. Même s'il n'y avait rien de sexuel, je trouve ce remède peu crédible à ses cauchemars. Déjà pour une femme lambda, encore plus pour une aussi traumatisée et sous le choc que Zélie. Des baisers sur la tempe à tire-larigot, des caresses innocentes, comme autant de contacts physiques qui paraissent peu plausibles dans de telles circonstances et en des délais aussi serrés. Lui n'hésite pas à laisser sa maison entre les mains de quelqu'un qui pourrait tout autant la voler en son absence. J'ai parfois trouvé que l'écart entre leurs dires et leurs gestes frôlait l'illogisme. Ainsi, Mathias invite Zélie à s'amuser avec des tigreaux comme s'il s'agissait d'une portée de chatons, pour mieux enchaîner avec un discours incitant au respect de la vie sauvage. le tout, avec une maman pas si anesthésiée que cela puisqu'elle ne tarde pas à feuler doucement à leurs côtés. Ou lorsque les rapports de Zélie et Mathias deviennent plus intimes… elle lui dit « non », mais la ligne d'après, il la soulève dans ses bras et l'emmène à l'étage pour marchander et conclure. Ce n'est pas ma notion du consentement. Il manque clairement ici une transition pour rendre la scène vraiment cohérente.

Ce récit possède tout de même un certain nombre de points forts et je tiens à adresser une mention spéciale au personnage d'Adélaïde, dans le rôle de la petite mamie adorable, ancienne institutrice qui ne mâche pas ses mots, mais a la main sur le coeur. Elle est drôle, rafraîchissante, vive et directe. J'ai beaucoup apprécié ses interventions. L'autrice aborde des thèmes comme la protection des animaux, les missions humanitaires, les violences conjugales, l'abus de confiance et la reconstruction de soi. Son héroïne révèle tout son courage au fil des pages et surtout, elle tire une leçon de ses erreurs, ce qui lui évite de rester enfermée dans le carcan de la demoiselle en détresse. Autant de militantisme, de messages pertinents, même s'ils sont parfois amenés maladroitement. Pour les amateurs du genre, quelques scènes hot visitent le récit avec poésie, exploitant pleinement la relation fusionnelle de Zélie et Mathias, tout en mettant en avant l'importance de se protéger. Les ingrédients sont là pour confectionner une excellente recette, mais cette précipitation qui se dégage des interactions, des actes et de leurs conséquences, m'a tristement empêchée d'adhérer aux pérégrinations de notre duo de chic et de choc. Reste toutefois une ode à l'entraide et à la gentillesse qui fait chaud au coeur, surtout après cette année 2020 telle que nous l'avons tous vécue.
Lien : https://dragonlyre.wordpress..
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