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Critique de NMTB


NMTB
19 décembre 2014
« Monstruaire », après être paru dans l'excellente maison d'édition José Corti, a été publié chez Tristram, qui s'est fait connaitre au début des années 2000 grâce à une nouvelle traduction du gros livre de Laurence Sterne dont est tiré son nom. « Monstruaire » se trouve dans cette lignée de livres très inventifs auxquels appartient également « La vie et les opinions de Tristram Shandy ». On imagine que les traductions de ces livres doivent être de vrais casse-têtes et qu'il doit être impossible d'en respecter l'esprit sans paradoxalement les trahir. Aussi, peut-être, devrait-on parler de recréations dans une autre langue, plutôt que de traductions.
Le narrateur, Emil Alia, qu'on suppose écrivain ou quelque chose comme ça, raconte des épisodes de la vie de son ami Victor Mons, artiste peintre. Il est surtout question, au début et à la fin, d'une période où Victor Mons créa une série d'oeuvres sur les monstres, qu'il intitula Monstruaire. D'une manière générale, le sujet de ce livre est la création, avec ses obsessions, ses passions, ses angoisses.
Il y a, dans ce livre, un nombre incalculable de références culturelles, artistiques et littéraires, plus ou moins explicites, mais si l'on voudrait rapprocher le travail effectué par Julian Rios d'autres écrivains du vingtième siècle, on pourrait évoquer en particulier Joyce, certains aspects de Perec ou les amusements de Duchamp sur le langage. Tout est basé sur la ou les langues. « Monstruaire » est une accumulation de jeux de mots, parfois douteux, parfois merveilleux, d'homophonies plus ou moins bien senties, de néologismes pas toujours heureux, d'associations d'idées incongrues ou inspirées. Tout est fait pour déstabiliser le lecteur, c'est un livre qui demande donc beaucoup d'attention. Mais ce n'est pas une écriture lourde, au contraire, elle est plutôt sautillante. On change constamment de temps, on navigue un peu partout en Europe occidentale et on finit par en perdre tout repère chronologique ou spatial. Résultat, si « Monstruaire » est savoureux par certains aspects, car certains passages sont véritablement poétiques et certaines idées passionnantes, il mentirait celui qui, après s'être réjouit de l'existence de ce genre de textes, n'avouerait pas que c'est également difficile à digérer.
Peut-être que dans cinq cents ou mille ans, une sorte d'archéobibliologue acharné redécouvrira par hasard « Monstruaire » et trouvera là une oeuvre non pas typique mais représentative de la fin du vingtième siècle. Une drôle d'époque, en conclura ce perspicace savant, où les hommes entrèrent dans la mondialisation, crurent à la fin de l'Histoire, perdirent leurs traditionnels repères temporels et spatiaux, cherchèrent à abrutir leurs nerfs dans les divertissements, les jeux, et où la créativité se noya dans un flux constant de produits culturels. Mais dans l'immédiat, l'avenir de ce livre semble, malheureusement, bouché et réservé à quelques rares lecteurs.
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