C'était, dans une ambiance de délation continue, exactement comme dans le film de Truffaut Le Dernier Métro. Si les Allemands avaient tenu compte de toutes les dénonciations, ils auraient fusillé la moitié de Paris.
Le marché noir était partout. A Montmartre, on connaissait même quelqu'un qui vendait des trains.
Marcel Aymé aussi habitait là. Il avait une maladie des nerfs qui l'empêchait de soulever les paupières. Je l'appelais "la tortue".
J'ai fini par décidé Céline à quitter Paris, et Louis et moi sommes partis à la mi-juin 1944. [.................................]
Nous avons été nous réfugier à New Ruppin, près de Krantzlin. C'est ce que Louis raconte dans "Nord".
Malheureusement, il n'avait pas pris la précaution de changer l'identité réelle des personnages, ce qui m'a valu, après sa mort, un long procès qui s'est terminé par une transaction lorsque nous avons accepté de modifier les noms.
Au printemps 1951, grâce à son avocat Tixier-Vignancour qui s'était arrangé pour qu'au moment du jugement on ne fasse pas le rapprochement entre Destouches et Céline l'écrivain, nous avons pu bénéficier de la loi d'amnistie et penser à regagner la France.
Louis s'est ensuite embarqué sur le Shella pour combattre les Allemands et j'ai été habiter chez sa mère, 11 rue Marsollier.
Son bateau coulé, il est rentré au début du mois de janvier 1940 pour être nommé médecin-chef du dispensaire de Sartrouville.
Le 10 juin, nous avons quitté Sartrouville dans une ambulance pour gagner Saint-Jean-d'Angély, le 14 juillet. Louis soignait les blessés sur la route et, habillée en infirmière, je l'aidais comme je pouvais.
Tout ce qu'on dit sur Céline, ce sont des graffitis sur un mur. Mais le bâtiment
est là et il tient.Pour toujours.
Aujourd'hui, je suis comme une voiture qui n'a plus de moteur. Il ne reste
que la carcasse; je ne pensais pas que c'était si long de mourir.
Un écrivain est un navigateur qui doit se battre contre les éléments, avoir une vie intéressante et mouvementée. C'est un créateur qui creuse pour trouver un trésor qu'il a en lui; il n'y est pour rien mais,toute sa vie, il va approfondir. Céline était avant tout un artisan. Il construisait un bateau capable de voguer, puis c'était fini;il n'était plus touché parce ce qu'on pouvait en faire, en dire. Par contre, au moment de la fabrication, au sujet de l'écriture, il était pointilleux à l'extrême pour une virgule, des points de suspension.
Albert Camus aussi était souvent là. Il avait une aventure avec une de mes élèves, la sœur de l'actrice Judith Magre que nous appelions Chiffon.
Un jour j'ai voulu le présenter à Céline. Il m'a dit : "C'est inutile, je sais ce qu'il pense de moi."
Il avait raison.
Elle est tout à la fois une fée, une sorcière et un talisrnan.Elle s'applique désorrnais à s'éffacer doucernent de la surface du monde, ne fait plus qu'effleurer les êtres et les choses,s'adapte à tout Elle est souple comme un
gant .Elle est toujours vivante.