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Critique de Shanishan


Séduite par la couverture et la quatrième de couverture qui vantaient l'histoire d'une jeune femme au passé douloureux qui ne vit que pour sa vengeance, j'ai lu Balafrée de Michel Robert.

Début prometteur, l'auteur nous sert un univers plutôt visuel avec une plume efficace et nous transpose directement dans l'action, alors que l'héroïne prend la fuite du camp d'esclaves où elle était retenue prisonnière.
Mais très rapidement, le vernis s'écaille.

Le contexte:
Les joueurs/joueuses de WoW n'auront aucun mal à reconnaître l'influence pour ne pas dire la reprise de certains concepts scénaristiques emblématiques du jeu (la guerre des Clans contre l'Empire ressemble de manière troublante à celle de la Horde contre l'Alliance, les Thaeryns n'ont rien à envier aux Taurens, les Orkhaïs aux Orcs, le Azuréens ont repris beaucoup aux Draeneïs, "gangre" (du gangrefeu) est la traduction du "fel", magie de World of Warcraft qui a la particularité de se décliner en nuances vertes etc ), et de nombreuses idées semblent reprises d'autres sources (le Peuple Noir ressemble beaucoup à l'Engeance de Dragon Age, les elfes-soleils et elfes-de-lune semblent tout droit sortis des Royaumes Oubliés et il y aurait encore pas mal d'exemples à sortir).

Toujours à propos du contexte, l'auteur a voulu jouer sur une très grande abondance de races... Sans entrer dans les détails des spécificités de chacune. Il faut attendre la moitié du livre pour apprendre par exemple que les trolkhs ont le nez crochu, on ne sait pas à quoi ressemblent précisément les nashaï et en quoi ils se distinguent des humains (sinon que les yeux violets ne sont pas une spécificité de leur race), et dans les dernières pages, l'auteur évoque encore une bonne quantité d'espèces... Dont on ne sait quasiment rien. Ce choix donne un effet "fouillis" au contexte, comme s'il était écrit au fur et à mesure et non pas anticipé, défini et délimité clairement dès le début du récit.

L'intrigue:
Si la reprise de concepts existants n'est pas un mal en soi, le résultat ici manque de finesse et d'homogénéité pour donner une idée d'ensemble propre et cohérent.
Cela est d'autant plus flagrant dans la deuxième moitié du livre où le fil rouge de départ (la guerre des Clans contre l'Empire et la vengeance de Balafrée) est mis entre parenthèses pour le développement d'un autre arc dont l'objectif est incertain (quel est le but profond de ces errances sur TerreNeuve? Quel est le rapport avec l'intrigue initiale? )
L'intrigue se perd dans la deuxième moitié du livre (peut-être pour mieux prévoir la place d'une suite...? ou manque de développement des bases ébauchées?) et la surenchère de races évoquées sans être détaillées à Gharadan donne l'impression d'un contexte mal délimité et dont la complexité n'est qu'effleurée sans profondeur.

Gros deus ex machina à la fin de l'histoire destiné sans nul doute à créer le cliffhanger des dernières lignes, l'intervention du personnage de Minuit tend à ruiner une bonne part de l'intérêt du récit. En révélant à Malken qu'elle savait tout ce qui allait se passer, elle lui retire le mérite de chaque action ou décision et sabote tout principe de causalité: comme la destinée de Malken était tracée et que l'Ordre des Regrets avait tout prévu, rien ne pouvait être lié au hasard ou aux efforts de l'héroïne qui en devient prévisible et convenue. Dommage.

Les personnages:
Au niveau des personnages, Malken alias Balafrée incarne parfaitement l'archétype de la femme torturée qui devient forte à l'épreuve des coups de la vie et... c'est tout. Elle n'existe pas vraiment hors de ce cadre et semble incapable de s'en affranchir pour développer une plus grande complexité. Elle n'évolue que dans l'expression de ses démons et sa soif de vengeance, et l'auteur insiste beaucoup plus sur la santé de sa libido débridée que sur sa progression psychique, ce qui est quelque part limitant pour un personnage présentant autant de possibilités à la base.

Les personnages secondaires tels que Valéna, Rorqual, Syléan, Aidhan Flynn et toute l'équipe des Bannis suivent un peu le même traitement, ce qui rend leurs actions et interactions prévisibles et leur fait perdre en relief. Sans être inintéressants, ils en deviennent convenus et perdent une part de leur richesse à mener exactement la conduite à laquelle on peut s'attendre de leur part.

Les antagonistes quant à eux sont des caricatures (spéciale mention au prélat Arkham Fordryng qui pour renforcer son aura inquiétante et ténébreuse... joue de l'orgue!) Tablant sur des archétypes jusqu'à l'excès, ils perdent toute possibilité de nuance qui aurait pu les rendre intéressants et sont tristement prévisibles.

Galbreyth de Tissemort (dont le seul nom est déjà un parti-pris peu subtil sur son alignement) est probablement l'antagoniste principal le moins développé que j'ai pu voir dans un roman de ce genre. Il a à peine deux ou trois chapitres qui lui sont consacrés, a des actions/ des pensées quasi parodiques des "méchants" de la pop-culture tant elles sont clichées, et à la fin du roman, on ne connaît toujours ni ses motivations, ni les raisons qui le poussent à agir, ni le motif de son intérêt pour la famille de Malken.

Bref, le livre est divertissant mais peine à trouver son identité propre et tombe facilement dans tous les clichés du genre sans parvenir à s'inventer. Dommage avec toutes les possibilités qu'impliquaient le pitch de base.
Même si je serais curieuse de connaître la suite parce que de nature à aimer aller au bout des choses, ce premier tome ne m'a pas donné envie de me ruer sur le suivant.


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