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Critique de jullius


« Voici racontée avec force et brio la lente et méthodique construction d'un pays », dit la 4e de couverture. le mot brio ne me semble pas rendre pleinement justice à cet excellent petit essai : brillant plus qu'orné d'un brio qui pourrait sembler sans réelle assise, et donner à croire qu'il est davantage question de rhétorique, d'éloquence, que d'une thèse, d'une certaine idée de l'objet France.

Alphée Rochel-Noël mène l'enquête sur ce qui peut sérieusement servir l'idée que la France existe : contre un roman national qui peut paraître une instrumentalisation de l'histoire au service d'une cause, voire d'une idéologie (l'histoire de France devrait être prise comme un bloc ; et son destin était inscrit dans ses fondations), on pourrait être tenté de dire « la France n'existe pas », à la manière d'un Pierre Bourdieu qui l'affirmait (à juste titre) pour la jeunesse ou l'opinion publique. Car la diversité des visages historique du pays empêcherait d'y voir, lorsque l'on est honnête, une continuité, une identité (pour parler cette fois comme Braudel). Pourtant, tout en prenant au sérieux ces remarques, pour mieux rompre avec ses propres préjugés Alphée Rochel-Noël met à jour ce qui peut servir de base à l'affirmation qu'une France existe. Au fil d'une enquête qui explore la question du territoire, des populations qui y élire domicile, des idiomes qu'on y parlait et de la mémoire qu'on y nourrit, il met en évidence que la France est un combat, un choix, une affirmation : par là-même elle n'est pas une même si ainsi elle s'unifie. La France, si elle est, n'existe que dans la république démocratique, dans la possibilité même, issue de la Révolution française de l'affrontement sur ce qu'elle doit être, son régime, ses valeurs, le destin qu'elle entend se tracer. Elle réclame la dispute et elle exige, pour cela-même, l'indépendance, un soi soumis à aucune autre puissance que celle de la réflexion de ses citoyens.

Finalement, Alphée Rochel-Noël montre ce qu'affirmait déjà Marcel Roncayolo : « le territoire n'a de valeur que rapporté à la vie de ses populations. Ce n'est pas le “désert” qui menace une partie de la France ; il peut devenir, dans une certaine mesure, une valeur. C'est le désert social, la fin d'une sociabilité ».
Les frontières physiques changent, les lieux de pouvoirs se déplacent, les langues et les croyances ne sont que tardivement unifiés et les oppositions continuent d'opposer, souvent très brutalement, les individus. Mais c'est précisément cela qui veut dire faire France.
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