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Citations sur Le Miroir du ciel natal. Poème (11)

 
 
L’orgue dans le silence a soudain préludé :
Et c’est comme l’éveil d’une eau dans la campagne
Qu’un dépliement de brume et de tulle accompagne,
Une eau dont le courant est à peine ridé.

Eau pâle du clavier que d’invisibles mains
Font chanter, comme les battoirs des lavandières ;
L’orgue coule, il frissonne, il s’attarde en chemin,
Puis se décide et s’enfle ainsi qu’une rivière.

Une rivière grave et dont la largeur s’use
À rafraîchir les nefs, à jaillir dans la tour ;
Le chant, par instants, tombe avec un bruit d’écluse,
Les roseaux des tuyaux sont alignés autour.

Une rivière en qui les voix des soprani
Viennent perdre, un à un, leurs affluents débiles ;
Un silence, parfois, l’interrompt comme une île ;
Puis l’orgue recommence à couler, tout uni.

Splendeur de l’orgue : ombre et soleil, force et douceur ;
Mais la douceur d’une force de la Nature,
Un chant se profilant comme une architecture,
Comme un rocher, qui se couronne avec des fleurs.

L’orgue ! voix d’infini, voix de ciel, voix lunaires ;
Qui donc suppose encore un réel instrument ?
L’orgue est un puits sculpté où chante le tonnerre ;
L’orgue est le bruit apprivoisé d’un élément.

C’est le vent : tour à tour la brise dont s’émeuvent
Les roses, et le vaste ouragan frénétique ;
C’est l’eau : rivière qui grossit, qui devient fleuve ;
Et l’orgue croule en cataractes de musique.

Oui ! c’est un élément, dont l’humeur toujours change ;
Il a toutes les voix, câlines ou funèbres ;
À Matines il chante et il pleure à Ténèbres ;
Est-ce un chant de la Terre ou sont-ce des chœurs d’Anges ?

Ô mélodie, à peine humaine ! Elle vous frôle
Avec la douceur qu’a la lune qui se lève ;
C’est un baume, c’est une étreinte, c’est un rêve !
On se sent comme au bord de l’eau dormante un saule.

L’orgue est tour à tour rauque et confidentiel ;
Tumultueux, puis doux comme le catéchisme ;
Et, après son orage où se brisait le prisme,
Il s’apaise, et dans l’air déroule un arc-en-ciel !

L’orgue tantôt exulte et tantôt se lamente ;
Tantôt noir — et c’est un catafalque de sons
Tantôt blanc — et c’est la layette d’une infante...
On l’écoute comme on regarde l’horizon !
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Les Femmes en mante /XIV


Douceur du passé qu’on se remémore
À travers les brumes du temps
Et les brumes de la mémoire.

Douceur de se revoir soi-même enfant,
Dans la vieille maison aux pierres trop noircies,
Dont le pignon est en forme de mitre ;
Douceur de retrouver sa figure amincie
D’enfant pensif, le front aux vitres…

On se revoit l’enfant qu’on fut
Et qui écoutait
Les lointains angélus,
Et qui regardait
L’eau que les reflets ont nacrée
Et les bateaux que nulle aventure ne grée.

A-t-on été cet enfant que voilà ?
Silencieuse et triste enfance
Qui jamais ne rit ;
Enfant trop pâle et qui s’étiola
Derrière les vitres, comme à l’infirmerie !

Enfant trop pâle et trop de connivence
Avec les cloches
Dont le chant morne en lui continuait ;
Avec les cygnes
Tristes et blancs, comme une fin de noce ;
Avec les nuées
Qui l’emmenaient dans un départ de mousseline…

Enfant trop nostalgique et qui se sentait triste
À voir passer les doux séminaristes ;

Enfant trop frêle et qui se sentait orphelin
À voir gesticuler comme en détresse les moulins ;

Enfant qui ne jouait jamais, enfant trop sage
Guettant dans les miroirs on ne sait quel passage.

Enfant dont l’âme était trop atteinte du Nord,
Qui déjà pensait à la mort.

Ah ! ce noble, ce pur enfant qu’on a été
Et qu’on se remémore
Toute sa vie et jusque dans l’Éternité !

p.62-63-64

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LES RÉVERBÈRES

VI


La Nuit s’acharne au réverbère qui la nie.

Tout s’endort ; seul son feu,
Obstiné comme l’insomnie,
S’attarde, avec son pouls fiévreux,
Ce battement de flamme chaude
Et comme artériel
Qui continuera jusqu’à l’aube.

Le réverbère est seul sous le grand ciel.

Et il voit que, là-bas,
D’autres feux tremblent,
Étoiles qui jamais ne se rassemblent,
Seules comme lui
Dans un éternel célibat.

Ô étoiles, ses sœurs, qu’il nomme dans la nuit !
Un même mal les agite ;
Elles sont si tristes ;
Elles ont le même sort,
Le même tremblement de fanaux dans un port
À des vaisseaux qui jamais ne partent ;
Elles ont la même palpitation,
Les mêmes pulsations,
Comme si un seul cœur, elles et lui, les faisait battre.

Le réverbère songe : « Elles sont comme lui ;
Il est comme elles ;
Solitude ! Et n’avoir à vivre que la nuit ! »

Ah ! s’éteindre, s’éteindre en une Aube éternelle !

p. 89-90
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Les Réverbères

I


Les réverbères un à un vont s’allumant,
Comme les étoiles
Ou des cires autour d’un poêle.

Et la ville s’endort pensivement…
Plus une cloche ne tinte ;
Toutes les lampes sont éteintes ;
Elles, elles étaient les sœurs des réverbères,
Sœurs heureuses, que du tulle ornemente !
Eux sont leurs tristes frères
Pour qui la Destinée a été inclémente.
Ils ne se montrent qu’à la nuit ;
Ils sont toujours grelottants ;
Ils doivent subir tous les temps,
Le vent, la pluie ;
Ils sont toujours sans gîte,
Regardant les maisons où les lampes habitent ;
Eux sont des pauvres…

Ils sont toujours transis ;
Qu’est-ce qu’ils attendent ainsi ?
Et c’est vers où que dans l’aube ils se sauvent ?

p.77-78
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Les jets d'eau


Le jet d’eau dans le jardin d’avril
Est une Première Communiante
Impatiente,
Un peu puérile et fébrile,
Ayant peur d’arriver trop tard
À la messe de la paroisse,
Et se plaignant du vent et du brouillard
Qui défraîchit sa robe blanche ou qui la froisse.

Le jet d’eau semble à genoux,
Ô robe blanche en avalanche,
Tulle qui tremble et traîne qui déferle...
Et cet égrènement d’un chapelet de perles,
Avec un murmure si doux !

Le jet d’eau tout le jour attend ;
Les fleurs ouvrent leurs cassolettes
Où dort un impalpable encens ;
C’est le printemps ;
Et le jardin s’orne pour la fête.

On entend le jet d’eau qui prie,
L’air à genoux dans le gazon,
Faisant monter toujours plus haut son oraison ;
Et le jardin, comme une église, s’assombrit.

Alors voilà la Lune offrant sa grande hostie.
Le jet d’eau qui s’impatiente,
Dans sa robe de Communiante,
Croit déjà qu’il en communie...
La Lune aussi cache un visage
— Comme l’Eucharistie —
Qui lentement se dégage
Avec des lèvres et des yeux.
Le jet d’eau songe que c’est l’heure...
Il s’élance, il avance, il ondule,
Dans ses falbalas de tulle,
Et croit sentir vers lui venir un dieu.

Mais la Lune est là qui demeure
Dans un recul où nulle bouche
Ne la touche,
Hostie inviolée et qui s’isole, au loin,
Visage calme d’un témoin.
Elle n’a pas voulu descendre
Et lui, pauvre jet d’eau, n’a pas assez monté !

Maintenant le soir tombe et il pleut de la cendre.

C’est comme si rien n’avait été ;
À peine une étoile allume une veilleuse ;
Le jet d’eau qui a renoncé
Va replier sa robe cérémonieuse,
Toute pâle dans l’air foncé.
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Les Réverbères

VII


Les réverbères en enfilade
Ont allumé leurs pensives veilleuses
Quotidiennes,
Formant un jeu d’ombres silencieuses
Qui vont et viennent…

La Ville est-elle plus malade
Ce soir ?
On dirait qu’il fait plus noir ;
Le vent a l’air de plaindre
Quelqu’un qui ne guérira plus ;
Une petite cloche tinte
Le dernier angélus ;
L’air est sonore à cause du silence ;
Les peupliers, dont la cime s’élance,
Ont peur de faire trop de bruit ;
Et les passants embrument leur marche
Comme dans une chambre, autour d’un lit…

L’eau chuchote plus bas sous l’unique arche
Des vieux ponts ;
On dirait qu’elle prie avec des soupirs ;
Mais à quoi bon ?

Sans doute que la Ville empire
Ce soir ?
Les veilleuses des réverbères
À peine encore un peu espèrent ;
Elles sont comme des yeux,
Comme des feux dévotieux,
Yeux et feux illusoires.

Ô réverbères ! Ils s’alarment
Et sentent la mort en chemin ;
Ils ont quelque chose d’humain,
Ils tremblent et semblent pâlir
Comme si dans leur flamme il y avait des larmes !
Qu’est-ce qui va mourir ?
Un cygne averti chante sur l’eau noire…

Il se peut que la Ville meure
Ce soir…

Les réverbères pleurent !

p.91-92-93
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Les Réverbères

IV


Dans le soir, au bord de l’eau,
S’allument les lanternes ;
Leur mirage dans l’eau se cerne
D’un tremblotant halo.

L’eau, dirait-on, se zèbre
De ces clartés qui alternent
Avec les ténèbres.
Les réverbères à la file
Se prolongent, intermittents ;
On dirait des pénitents
Avec leur gourde de lumière.

La nuit de l’eau serait plénière
Sans les réverbères du bord
Qui la faufilent
De leurs points d’or !

p.85-86
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Les Réverbères

III


Un triste réverbère
Dans le soir s’exaspère
À regarder son ombre.
Se peut-il qu’il corresponde
À ce dessin transi
Qui dort à terre comme dans un miroir,
Et qu’il soit lui aussi
Cette figure linéaire et tout en noir ?

Le papillon jaune qu’il est
N’est plus sur le sol
Que le deuil d’un vol.
Il regarde tout son reflet
Qui se délimite en contours de ténèbres ;
Ah ! cet afflux de présages funèbres !

Soudain le réverbère
Voit l’ombre de sa boîte en verre
Former, avec ses quatre pans,
Comme un petit cercueil à terre,
Qui attend ;
Et le réverbère a peur qu’on emporte,
Dedans, sa flamme morte !

p.83-84
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Les Réverbères

II


Les réverbères des banlieues
S’en vont durant des lieues.

S’en vont comme un cortège, au loin, de pénitents,
Le dimanche, en semaine, et par tous les temps ;

L’un est debout ; un autre, il semble, s’agenouille ;
Et chacun se sent seul comme dans une foule.

Par les chemins que la pluie détrempe
Ils allongent des rampes.

Des rampes de clarté par où monte le Rêve !
Et on voit remuer leurs feux comme des lèvres.

Les réverbères des banlieues
Effeuillent leurs lumières bleues.

C’est le vent qui effeuille à terre leur lumière,
Lumière éclose en une serre.

Petite serre, à quatre vitres, des lanternes
Où le bouton avec la fleur ouverte alterne,

Selon le caprice du vent,
Écrasant la flamme ou la relevant.

Les réverbères des banlieues
Sont des cages où des oiseaux déplient leurs queues.

Pauvres oiseaux réfugiés
Qui ont souffert d’être mouillés.

Ils ont eu peur des horizons
Et regardent la vie à travers des cloisons.

Oiseaux trop frêles qui préfèrent
Vivre captifs dans du verre.

Ils savent la fragilité de leur vol d’or !
Le vent les tord…

Ils n’ont pas longtemps résisté
Et meurent longuement en spasmes de clarté.

Les réverbères des banlieues
Bientôt sont des lumières feues.

p.79-80-81-82
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XII


Parmi les grandes cathédrales aux murs frais
C’est toute la Nature éternelle qu’on goûte ;
On y entre comme on entre dans la forêt
Dont les rameaux cintrés s’arrondissent en voûte.

Oui ! toute la Nature y règne, transposée :
Soleil de l’ostensoir ! Et l’encens peu à peu
Évaporant parmi les nefs un brouillard bleu ;
L’eau bénite répand des gouttes de rosée.

Les jardins des vitraux ont des roses trémières
Toujours en fleurs ; et les rosaces sont des paons
Immobiles, qui font la roue, au soir tombant ;
Les cierges sont du blé aux épis de lumière.

Ô Nature que les cathédrales copient !
Les orgues font le bruit du vent ; les soprani
Ont une voix qui s’aile et sort comme d’un nid ;
Dans la forêt de pierre, à leur tour ils pépient...

p.210-211
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