es hommes étaient éphémères. Ils se dissipaient aussitôt après qu’on les avait approchés.
Les femmes étaient multiples, toutes différentes. Les hommes étaient un. Les hommes étaient un et portaient le nom : client.
Tout cela est volatil, mon cul et mes amants, tout cela disparaîtra avec moi ou bien avant, lorsque cette partie de mon corps prendra la retraite – je trouverai autre chose. Ce n’est pas un problème de changer mille fois. Pourquoi devrais-je, pour que les travaux et les hommes acquièrent de la valeur, me priver d’en connaître des centaines ? Chacun a son importance, pas plus d’importance que cela toutefois ; s’il faut changer ce n’est jamais grave, même lorsque c’est douloureux ; cette solitude-là me convient.
Pouvoir prétendre à la maturité ne suffisait pourtant pas à mon bonheur.
C’est par besoin de me perdre. Par besoin de violence, de vie sauvage, d’un contact avec le mal – parce que je ne veux pas seulement le bon côté du sexe, consensuel, désirable. Là tu n’as peut-être pas complètement tort, je dois te l’accorder. Peut-être qu’une part de mal m’est nécessaire. Parce que ça me donne du pouvoir. Parce que j’aime avoir du pouvoir. Même sur des cons. Et par résonance sur des moins cons. Mais je dirais plutôt : pour sortir de l’état de domestication, de la vie domestique.
Ecrire s’est avéré plus dur que prévu : je n’aime pas ça, surtout si c’est pour parler de travail.
Les métiers du sexe s’avèrent pleins de personnages de films. Rosa aussi en est un. C’est une des raisons pour lesquelles j’aime ce métier, parce qu’on n’y croise que des gens à la marge, des femmes notamment, qui ont toujours quelque chose d’extraterrestre et ne se contentent pas de la vie qu’ont voulu leur fourguer les assistantes sociales et les conseillères d’orientation. Exercer un tel métier, quelle que soit la façon dont on le pratique, est déjà une preuve d’imagination.
Tous les timorés qui pensent qu’on ne devrait pas réaliser ses fantasmes, ou qu’on ne devrait jamais les réaliser hors du mariage, devraient approuver pleinement les endroits comme le sex-show où tout est promis mais rien n’est possible, et même les promouvoir. Nous exerçons une sorte de punition divine sur les téméraires, qui leur fait souvent passer l’envie de revenir – mais pas celle d’avoir des fantasmes, à mon avis.
Comme c’est difficile d’appeler les gens qu’on n’aime pas par leur prénom !
Le fait est que le métier ne demandait nullement qu’on se penche sur sa propre conception de l’érotisme, qu’on se demande, chacune pour soi, ce que l’on trouvait vraiment excitant, et de quelle façon on aurait pu l’adapter sur scène. Si un épanouissement personnel ou artistique apparaissait, il était purement fortuit, du moins il ne faisait pas partie des desseins du négoce : c’est ce qu’on appelle le travail.