AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Delphine-Olympe


Que je me sois précipitée sur le nouveau roman d'Olivier Rolin était une évidence. Sans surprise, j'ai été une fois encore envoûtée par sa plume, qui n'a rien perdu de sa beauté, loin s'en faut.
Comme il sait si bien le faire, Rolin nous entraîne vers de lointaines contrées, dans cette ville mexicaine dont le nom est en lui-même déjà une invitation au voyage - je ne doute pas d'ailleurs qu'il ait pu être à la source de son inspiration.

C'est ici une Veracruz âpre et brutale qu'il nous est donné de découvrir, habitée par des individus dénués de morale et du moindre scrupule. le narrateur y a autrefois brièvement séjourné et connu une fulgurante passion amoureuse. de cette histoire ne subsistent qu'un souvenir évanescent ainsi que quatre récits qui lui étaient mystérieusement parvenus par la poste et qui évoquent - peut-être - la femme aimée. le narrateur nous les offre, dans toute leur crudité, dans toute leur cruauté, faisant naître chez le lecteur une sorte d'effarement mêlé de répulsion.

Ces récits dérangent, tant ils disent la noirceur de l'âme humaine. Mais ils le font dans une langue d'une si grande qualité littéraire, avec des mots à la consonance parfois si poétique, que le contraste en est saisissant.
Arrivée au terme de ces quatre témoignages, qui relatent une même situation selon quatre points de vue différents, j'avoue m'être sentie perplexe. Où l'auteur voulait-il en venir ?
C'est la dernière partie du livre qui allait m'éclairer sur ce point, pour donner une dimension soudain beaucoup plus vaste à ce livre et me permettre du même coup de retrouver ce que je trouve passionnant chez Rolin : son aptitude à développer une fiction tout en s'interrogeant sur les conditions de sa création et ce qui s'y joue de la place de l'écrivain.

«La littérature est une tromperie sans fin», nous dit-il. Qu'est-ce qui peut nous empêcher de penser qu'une aimable jeune femme ait pu relater des crimes aussi sordides ? Certains «indices» invitent le narrateur à croire que la gracieuse Dariana en serait l'auteur... tandis que d'autres l'éloignent de cette pensée. Mais ces interrogations sont sans fondement, puisque l'auteur s'efface derrière son texte ; il serait vain de vouloir chercher à y déceler sa présence.
Quelle réalité se cache au coeur de la littérature ? Et d'ailleurs, y en a-t-il une ? Quelle relation fiction et réalité entretiennent-elles ? «Veracruz, le Mexique, le monde, tout cela n'existe pas.» le monde ne serait rien d'autre qu'«une flamme, une eau bouillonnante, un nuage dissipé par le vent, [qui] nous échappe[rait] d'autant plus qu'on cherche[rait] à le saisir.» Il serait bien présomptueux de prétendre lui trouver une logique ou un sens quelconque, voire de vouloir lui donner chair à travers des mots.

Il y a vingt ans, pourtant, la réponse de Rolin était tout autre : le monde, l'écrivain l'inventait ; il en était le démiurge, le grand ordonnateur, créateur tout-puissant. Il le sculptait de ses mots, généreux et amples. le monde n'existait que par la grâce de l'écrivain. Il en résultait un roman-fleuve qui permettait de l'appréhender.


Aujourd'hui, il semble que la littérature doive exister en tant que telle, sans référent à une quelconque réalité. Elle est désormais un écho à des instants de bonheur dont elle s'efforce de restituer l'intensité. Il ne faut guère en réclamer davantage : c'est déjà beaucoup.

La littérature résulterait-elle d'une émotion ?
Elle nous offre en tout cas à nous, lecteurs, des mots sublimes qui suscitent à leur tour nos émotions, et c'est ce qui nous les rend si précieux.

Décidément, Olivier Rolin est un grand, un très grand. Il n'en finit pas de nourrir mon imaginaire et ma réflexion sur ce qu'est la littérature et les raisons de mon attachement à cette si belle matière.


Lien : http://delphine-olympe.blogs..
Commenter  J’apprécie          160



Ont apprécié cette critique (11)voir plus




{* *}