Rédemption

Merci pour tous vos efforts, révérend. Et pour cette charité bien chrétienne envers mes filles et moi qui vous démange soudain. Je suis sûre que vous venez ici avec les meilleures intentions du monde. Mais ça fait bien longtemps qu'on n'a pas vu Dieu dans cette famille. Je ne sais pas combien de fois on Lui a tendu les joues, mais les claques, elles, ne cessent pas de pleuvoir. Alors vous pouvez remballer vos leçons de morale et nous foutre la paix, à moi, à mon frère ou à mes filles. C'est vrai qu'on a besoin d'aide. Et qu'il va nous falloir du temps. Ce n'est pas facile d'admettre que tout n'est pas rose. Mais ce n'est pas Dieu qui va venir panser nos plaies, révérend. Parce qu'on L'a pas souvent vu répondre à nos prières. Alors je ne vous laisserai pas fourrer ce genre d'idées dans le cerveau de mes filles. Chez nous, on se serre les coudes. Et ça n'a rien à voir avec Dieu. C'est fini tout ça. Si ça n'a jamais été le cas d'ailleurs.

Ce n’est pas un job très amusant. Mais Katie apprécie secrètement cette monotonie. Elle aime le silence qui règne dans le restaurant, le sol humide, le carrelage noir et blanc qui brille. Elle aime les grandes étendues autour d’elle, qui la rassurent. L’immensité et le vide l’apaisent. Et puis, sa mère a besoin d’elle pour joindre les deux bouts.

Nuit après nuit, en prison, il s’était dit que ses premiers pas ici seraient peut-être les derniers. Mais il avait juré qu’il se battrait, si c’était ça le prix à payer. Il n’a toujours pas changé d’avis. Il observe les lieux, quasiment déserts. Être seul est l’unique possibilité qu’il n’avait pas envisagée.

"Lizzie ? " dit-il d'une voix rauque dans le silence de la maison, encore plus profond et absolu que celui de la plaine.
" - Oui ?
Tu me crois, n'est-ce pas, quand je dis que j'en ai fini avec les ennuis ? "
Elle ne répond rien, puis laisse échapper un long soupir.
" Oui. Mais c'est pas ça le problème.
C'est quoi, alors ? dit-il d'une voix étonnamment douce.
Quelque chose me dit que les ennuis n'en ont pas fini avec toi. "

On apprend beaucoup de choses dans le regard d’un homme.

« Des fois, dit-il, j’ai l’impression de rêver. Je me dis que je vais me réveiller et que rien n’aura vraiment changé. Et puis je me rends compte que je suis bien éveillé. Comme si je l’avais toujours été. Et la vérité, c’est que j’ai oublié à quel point ça fait du bien de rêver. »

 Faut pas croire tout ce que racontent les journaux. Le jury était loin d’être impartial et y a autant de mensonges que de vérités dans toute cette affaire.