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Critique de Matatoune


Adèle Rosenfeld raconte dans Les méduses n'ont pas d'oreilles le quotidien de Louise F., la trentaine née en banlieue parisienne avec ses yeux marrons et son petit mètre soixante, écartelée par une dichotomie qui envahit son quotidien.

Une de ses oreilles est inapte à entendre d'où son appareil auditif caché comme est passé sous silence son handicap. Les cheveux recouvrent les oreilles et personne ne s'en rend compte puisque, en plus, elle n'en dit rien.

Alors, lorsqu'elle répond oui à la place de non, on la prend pour une idiote. Mais, lorsque dans un bar, elle n'entend pas la question noyée dans le bruit du lieu, on lui fiche la paix toute la soirée, la laissant à sa solitude et aux amis qu'elle s'est inventée pour combler un manque social trop réel. Louise y est habituée et même, quelque fois, s'en réjouit, tellement est épuisante cette attention de tous les instants.

Normalement, cela aurait pu continuer ainsi, sauf que le roman Les méduses n'ont pas d'oreilles s'ouvre sur la consultation chez le spécialiste. Il constate quinze décibels en moins sur l'autre oreille. Non seulement, il faut que Louise accepte ce dont elle a refusé depuis toujours, son statut de malentendante, mais prendre aussi la décision de devenir une femme bionique.

Dans ce premier roman, Adèle Rosenfeld conte ce cheminement entre reconnaître sa différence et se faire poser ou non un implant. Elle présente les brouhahas inaudibles, les trous noirs au milieu d'une phrase, la perception des différentes fréquences et les lèvres qui ne se laissent pas regarder ou qui s'effacent dans la pénombre.

Adèle Rosenfeld présente avec beaucoup de poésie les amis imaginaires de Louise qui comblent sa solitude sociale : Son bon Soldat prend sa place dans la vie. Son Chien Circus, exprime les émotions. Et la Botaniste, elle, collectionne des plantes mirages qui expliquent le monde. Ses amis, et plus, bien vivants, savent aussi se tenir à ses côtés. Avec beaucoup de sensibilité, Adèle Rosenfeld nous parle des « cahiers de réalité de l'existence » de Louise où les sons sont répertoriés et ordonnés avant leurs disparitions programmées.

Évidemment, ce premier roman est un peu autobiographique, mais l'écriture et la construction en font un récit littéraire délicat et attachant. Avec le film Sur mes lèvres, Emmanuel Devos avait démontré la solitude et le rejet. Son personnage devenait une proie facile entre les mains pervers d'un Vincent Cassel. Ici, Adèle Rosenfeld nous fait vivre l'imaginaire qui comble les manques. Rien de désespérant dans Les méduses n'ont pas d'oreilles ! Au contraire, c'est l'histoire d'une battante qui s'entoure de la poésie de l'imaginaire et de la distance de l'humour pour dépasser les difficultés. Une écrivaine est née !
Lien : https://vagabondageautourdes..
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