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Critique de cailloudegringole


Sous couvert d'une approche factuelle dénonçant nos biais cognitifs et notre ignorance, à l'origine d'une vision catastrophiste et dichotomique du monde, Hans Rosling se fait l'avocat du système économique et social actuel. Sous couvert d'un livre « scientifique », il donne un message politique. Il promeut une vision du monde ultra positive et optimiste (même s'il se dit « réaliste ») en mettant sciemment de côté différents aspects problématiques de notre mode de vie actuel, et ce, en utilisant de formidables outils -les infographies- et une démarche basée sur les faits. Il dit vouloir rétablir l'équilibre et la vérité sur le monde, mais son approche devient aussi caricaturale que celle des journalistes qu'il critique : son discours manque de nuance, il aurait parfois suffi de seulement quelques phrases pour tempérer ses conclusions et donner une image plus juste.

Bien conscient des biais cognitifs, du pouvoir des graphiques et de la tendance à surgénéraliser, Hans Rosling choisit quelques exemples trompeurs et non représentatifs. Il aborde la préservation des espèces en mentionnant les tigres, les rhinocéros noirs et les pandas géants qui ne sont désormais plus menacés et présente un graphique sur la diminution des inégalités sociales au Brésil. Evidemment, il ne généralise pas explicitement : il ne conclue pas que la biodiversité ou les inégalités sociales s'améliorent de manière générale, mais il sait pertinemment qu'il induit en erreur ses lecteurs et que les moins informés feront implicitement cette généralisation. le choix de ces exemples me semble donc malhonnête ! En effet, l'intégrité intellectuelle serait de tempérer les conclusions hâtives qui pourraient émerger et de bien préciser les tendances générales de la biodiversité et des inégalités sociales.

Il met un point d'honneur à critiquer le système et non les personnes qui évoluent dedans, mais alors pourquoi ne va-t-il pas plus loin en présentant les limites, dérives et effets secondaires du système économique qu'il promeut ? Il explique que les droites ne sont pas forcément linéaires, mais quid des effets de seuil au niveau écologique ? Même s'il répète que les choses peuvent aller « mal et mieux », ce livre pousse à la minimisation et à la banalisation de certains problèmes, et donc à l'inactivisme: les militants sont par exemple présentés comme ceux qui crient au loup.

Pour finir, je tiens à noter quelques passages vraiment douteux sur le DDT, la « chimiophobie » (amalgames entre les anti vaccins et les inquiétudes sur les perturbateurs endocriniens et/ou autres substances toxiques) et la notion de « réfugiés climatiques ». de manière plus anecdotique, se référer au score potentiel de chimpanzés au lieu simplement du hasard (à 33 %) me semble un peu lourde et maladroite.

Pour rendre justice au livre, je tiens également à souligner les éléments qui m'ont particulièrement plu : la critique des politiques migratoires européennes plutôt que le seul blâme des passeurs, les différents niveaux de revenus illustrés en photos, l'exhortation des pays riches à diminuer leurs émissions de CO2 plutôt que d'empêcher les pays « pauvres » de se développer, les deux graphes de 1965/2017 sur la diminution du nombre d'enfants par femme, et enfin l'efficacité des politiques de prévention inscrites dans la communauté pour diminuer la mortalité infantile.

Malgré un message insidieux auquel, vous l'aurez compris, je n'adhère pas du tout, la lecture est agréable, facile et très bien vulgarisée. Je faisais de toute évidence partie de ces ignorants détenant une vision particulièrement négative sur certains aspects du monde et cela m'a donc permis de remettre certaines idées au clair et de changer mon regard sur les conditions de vie des différentes populations. Je suis donc partagée entre les réelles connaissances que ce livre peut apporter et le modèle sous-jacent qu'il défend. Si vous êtes donc amenés à le lire, je ne peux que conseiller prudence et recul !
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