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Critique de Henri-l-oiseleur


Il est difficile, paradoxalement, d'écrire la biographie d'un empereur romain sur lequel les documents abondent : Marc-Aurèle a laissé aux Romains le souvenir idéalisé d'un bon empereur, car le terrible III° siècle, qui suivit son règne, fit voir son époque comme un âge d'or perdu. Son respect scrupuleux du Sénat et de l'aristocratie qu'il représentait lui valut une excellente réputation, car les historiens latins écrivaient pour ces lecteurs nobles. Enfin, l'empereur lui-même nous a laissé un recueil de pensées et d'exercices spirituels d'une haute tenue philosophique, dont la lecture risque de faire oublier l'homme, l'empereur, le magistrat, le général Marc-Aurèle.

Benoît Rossignol, dans cette biographie monumentale, s'efforce d'éviter ces écueils et de faire parler au mieux les documents qui nous sont parvenus. Pour cela, il ne néglige rien, et en particulier ses analyses numismatiques sont des mines d'informations sur le discours romain officiel et sur l'évolution du régime. L'auteur met aussi l'archéologie à profit, tant celle des provinces danubiennes que du monde grec, ou des provinces d'Afrique, et sait faire parler les objets et les inscriptions. Enfin, il a tout lu des productions de ce second âge d'or de la littérature grecque que fut l'époque antonine, et décrypte les textes des historiens, des rhéteurs, des épistoliers, sans oublier les Pensées de Marc-Aurèle lui-même.

Il ressort de ce travail impressionnant la figure d'un jeune aristocrate né sous Hadrien dans la proximité du pouvoir, et recevant la meilleure éducation possible : la paideia grecque à son plus haut niveau, transmise par des maîtres incomparables. Quand ce jeune homme devient empereur après Antonin, l'historien nous fait voir du dedans l'activité du magistrat suprême de Rome, rendant la justice, gérant l'administration, veillant à la balance des pouvoirs et des clans. Enfin, le dernier Marc-Aurèle que l'on rencontre est le chef de guerre aux frontières, ce qui fournit à l'auteur l'occasion de décrire le haut état-major, les campagnes, les relations avec les peuples germaniques.

La dernière difficulté que l'historien doit surmonter, est l'accumulation d'idées fausses et anachroniques formée depuis Guevara, Gibbon et Renan, jusqu'au "Gladiator" de Ridley Scott. Benoît Rossignol s'emploie à dédramatiser "la chute de l'empire romain", le romantisme de la décadence et tant d'autres rêveries ou faussetés : c'est une des vertus de la discipline historique, qui dissipe les anachronismes en revenant toujours à la relativité des temps et des époques, par les documents. Notre temps en a grand besoin.
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