Est-il encore besoin de présenter la pièce française la plus jouée en France et dans le monde, depuis sa création en 1897? Une pièce qui défie les modes et traverse les générations, en dépit du dédain et de la condescendance de certains intellos, dont les 2600 vers, pour la plupart des alexandrins (excusez du peu!) tantôt réjouissent le coeur, tantôt l'émeuvent!
Ultime pièce romantique a-t-on pu dire, avec son refus hugolien des règles classiques et son mélange des genres (le dramatique et le comique étroitement mêlés) mais d'une tonalité absolument unique et qui a déterminé, en partie, son succès jamais démenti.
Mais c'est le personnage de Cyrano, omniprésent tout au long des cinq actes (1600 vers à lui seul!) qui peut expliquer un tel engouement: héroïque par sa bravoure physique, par exemple au siège d'Arras, et, plus encore, par son sens du sacrifice lorsqu'il réprime son amour pour Roxane en faveur de Christian et va jusqu'à aider ce dernier à conquérir sa belle cousine, il cache en lui, avec pudeur, la blessure de sa difformité physique, ne révélant parfois sa souffrance qu'à son ami Le Bret... et à Roxane elle-même, bien malgré lui, juste avant de mourir.
Et puis, il y a le verbe d'Edmond Rostand, cette verve qui se joue à plaisir de toutes les contraintes prosodiques, ce vers où panache et humour font bon ménage, alliant lyrisme, préciosité et truculence: un régal! (Qui n'a en mémoire la célébrissime "tirade du Nez"?)
Bref, un chef-d'oeuvre populaire qu'on a toujours plaisir à lire - ou à regarder! (Petit avis personnel: la version, datant de 1960, avec Daniel Sorano dans le rôle titre est insurpassable.)