Le Morpho Bleu est un thriller écrit par Jean-Louis Rougean en 2020. D'aspect, le livre est agréable, la couverture, aux tons bleus, est très belle, avec l'animal éponyme bien visible.
Pour ce qui est de l'histoire : une jeune femme, Michelle Coltrane, est retrouvée morte, congelée, à Springfield dans l'Illinois… mais aussi à Santa Fe. L'agent du F.BI Azor Streyes se retrouve avec deux cadavres, puis bientôt six, disséminés sur la mythique route 66, et dont tous les visages ont été altérés pour ressembler à la première victime, Michelle Coltrane. Bien vite, l'enquêteur est entraîné dans une histoire de complot où se côtoient critiques d'arts, puissants de ce monde, et un tatouage de Morpho Bleu, commun à toutes les victimes.
Maintenant mon analyse (attention, spoilers).
Petit prolégomène, je fournis toujours des critiques objectives, afin de mettre en avant les points positifs et négatifs du livre. Car même si un livre ne me plaît pas, je veux que celle-ci puisse éventuellement servir à quelqu'un, qui ne partage pas forcément mes goûts.
Cela étant dit, j'ai eu du mal à trouver des points positifs à l'histoire du Morpho Bleu. L'idée de base est alléchante, surtout avec le mâtinage de SF ajouté à l'intrigue, mais son exécution, à mon sens, ne suit pas. Déjà, j'ai noté des problèmes de cohérence à plusieurs niveaux dans l'histoire. On commence par la description du F.B.I, car non, un agent du F.B.I n'est pas un policier et non, ils n'ont pas des badges en forme d'étoile. le genre du thriller se basant beaucoup sur la vraisemblance des faits, surtout un présenté dans un futur très proche (2031), il aurait été de bon ton de vérifier ces quelques détails avant de publier l'histoire.
L'histoire en elle-même, me paraît également peu cohérentes, sans rentrer dans les détails, pour ne pas non plus gâcher la possibilité d'une lecture à ceux qui veulent. Dans un thriller, on suit généralement une ou plusieurs personnes cherchant des réponses et présentées devant un faisceau d'indices qu'elles doivent remonter. le fait que certains éléments du crime sont littéralement mis en sommeil sur plusieurs jours dans l'histoire avant d'être exploités quand cela, a priori, sert l'intrigue, est assez décevant. Notamment, le héros est approché à la page 15 par une femme dont il découvre qu'il s'agit de l'ex-compagne de la victime, mais il ne pense à la faire interroger qu'à la page 23, soit après que deux jours se soient écoulés dans la temporalité du livre. D'ailleurs, alors même que la suspecte est une artiste, il ne pense apparemment pas à demander des informations de contexte à son meilleur ami, critique et vendeur, qui connaît l'intégralité du monde artistique américain. le héros ne cherche pas non plus à faire rechercher les personnes qui ont approché son fils de huit ans pour lui faire parvenir une vidéo…
Pour ce qui est de la caractérisation du personnage, j'ai également été assez étonnée. le personnage est essentiellement passif, et l'on a parfois du mal à comprendre pourquoi il ne partage pas ses informations, pourquoi il n'en recherche pas… ou pourquoi il saute parfois aux conclusions. On retrouve ainsi l'évocation d'un foulard retrouvé sur une possible scène de crime, « ayant probablement servi de bandeau sur les yeux », alors qu'à ce stade, il n'y a aucune preuve que les victimes aient été amenées là de force. Parfois, on ne sait trop si c'est le personnage ou l'auteur qui saute aux conclusions, car il est notamment révélé qu'un personnage est le frère d'un autre comme une évidence par le protagoniste… Sans que cela ait été mentionné avant et sans que l'on ait accès au processus réflexif de l'agent pour le déduire.
Ajoutons à cela des soucis dans le style, assez plat et ponctué de phrases nominales à l'effet encore à déterminer. Certaines métaphores sont plaisantes, mais elles sont rares. Il y a cependant quelques éléments amusants, comme la mention d'un ordinateur quantique, qui fera sourire les amateurs de SF des années 90, ce dialogue avec un agent canadien en poste en Californie qui se fait chevalier du bon goût en matière de jazz, mais dans l'ensemble les dialogues sont assez peu réalistes et semblent parfois forcés pour faire avancer l'action.
Il y a également des erreurs factuelles dans la narration qui gênent la lecture. À la page 35, l'agent et un collègue se réveillent en banlieue de Flagstaff… Et à la page 37 ils y arrivent le soir après avoir beaucoup roulé. Certains mots ne sont pas non plus utilisés à bon escient, comme « patronyme » qui signifie « nom de famille » (techniquement, nom du père) mais qui est utilisé pour introduire le nom complet du protagoniste. Ces erreurs auraient pu facilement être repérées, tout comme les lourdeurs de tournures de phrase, les coquilles ou les répétitions, et je me demande donc si un correcteur a relu ce texte avant sa publication. J'ai vu que l'ouvrage avait été publié via Librinova, ce qui me fait me poser beaucoup de questions sur cette plateforme et les services qu'elle propose.
Un autre élément qui m'a également fortement déplu est la manière dont les personnages féminins sont décrits dans le texte : tous via le prisme du narrateur qui les juge systématiquement quant à l'attraction qu'il ressent pour elles.. même les suspectes. Mais comme ce dernier déclare qu'il peut se dispenser des procédures, vu qu'il déclare « On se passera de preuves pour cette fois » dans le dernier chapitre. Commenter  J’apprécie         30