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Critique de jullius


Il faut toute la mauvaise foi d'un opposant aux idées de Rousseau par posture idéologique comme Kléber Haedens (dont l'Histoire de la littérature française regorge de prises de positions qui trahissent son parti pris maurassien) pour prétendre que « le premier Discours de Rousseau [...] soutient un poncif, à savoir que les sciences et les arts corrompent les moeurs ». Qui ne sait que les Lumières, à travers leur oeuvre majeure, l'Encyclopédie, et avant elles déjà la renaissance, n'ont eu de cesse de valoriser le progrès de ces disciplines ?
Rousseau, lui, au moment de prendre connaissance (l'histoire est connue) du sujet mis au concours de l'académie de Dijon, « si le progrès des sciences et des arts a contribué à corrompre ou à épurer les moeurs », raconte dans une Lettre à Malesherbes qu'il vécut un choc tel qu'il en relate en termes d'« inspiration » provoquant chez lui un état d' « ivresse » de « violentes palpitations » allant jusqu'à l'empêcher de « respirer en marchant » et finissant par le faire « tomber sous un des arbres de l'avenue » de Vincennes alors qu'il se rendait voir son ami Diderot, emprisonné. La révélation lui vint, comme ce court discours va s'attacher à le démontrer, que, contre ce que l'on pourrait croire, l'homme nait bon naturellement, et que c'est justement par ses institutions seules que les hommes deviennent méchants.
Rousseau commence, avec ce Discours, une démonstration, qu'il poursuivra dans son Discours sur l'origine des inégalités puis dans son Traité de l'éducation, trois oeuvres qu'il décrit comme formant un même tout. Il entre en cette année 1749, dans l'histoire de la philosophie. Ce discours fera sa gloire autant qu'il enclenchera son destin et, par-là, sa chute. Car nul n'est prophète en son époque lorsque celle-ci fait, elle-même, oeuvre de révolution et qu'on prétend lui opposer un contre discours. « Tel me tient pour barbare qui ne me comprend pas » pressent-il d'emblée. Certes il emporta le prix, et ne fut pas le seul à défendre sa thèse. Mais l'académie de Dijon communiqua, en même temps que ses lauriers, des remarques pour dire son désaccord sur certains de ses développements. L'Académie française, outrée, décida de relancer la controverse en invitant cette fois les candidats à soutenir la thèse opposée. de ce jour, estime Jean-Jacques, allait commencer ses malheurs. C'est que son discours parlait à certains et en gênait d'autres : il soulève le voile sur la vérité des peuples policés chez lesquels les lettres et les arts « étendent des guirlandes de fleur sur les chaines de fer dont ils sont chargés ». Il dénonce l'amour disparu de la patrie chez les peuples trop bien élevés. Et il ne convoque pas seulement Sparte contre Athènes, mais Henri IV contre Louis XV pour faire le tableau de la décadence. Il glorifie les petits peuples, sauvages mais héroïques et fustige la diplomatie cosmopolite. Il met en garde : « que nos politiques daignent suspendre leurs calculs pour réfléchir à ces exemples et qu'ils apprennent une fois qu'on a de tout avec de l'argent, hormis des moeurs et des citoyens ».
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