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Critique de kristolikid


Livre très intéressant. Je regrette que l'édition choisie soit si fournie en notes qui, si elles éclairent la pensée de Rousseau, nuisent au rythme et finalement à la dynamique du propos.

Un résumé à ma sauce de la première partie de l'ouvrage :
Rousseau remarque que lorsque l'homme sort de l'état de nature, ses passions grandissent, et sa capacité à se conserver individuellement diminue. Spontanément les hommes cherchent alors à mettre en commun leurs forces individuelles. Ce transfert de l'instinct de conservation individuel vers une association commune qui défende plus efficacement les intérêts particuliers, Rousseau l'exprime comme suit : « Trouver une forme d'association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s'unissant à tous n'obéisse pourtant qu'à lui-même et reste aussi libre qu'auparavant ».

La question que pose alors Rousseau est : comment fonder cette autorité légitime parmi les hommes ? Il commence par écarter 3 types d'autorité qui disconviennent à l'ambition d'en établir une légitime :
- d'abord, il rejette l'idée qu'il existe une autorité naturelle entre les hommes ; aucun ordre dans la nature ne justifie l'asservissement de certains hommes par d'autres,
- ensuite, c'est l'argument de la force qui est rejeté ; l'usage de la force par le Prince sur son peuple ne produit aucun droit,
- enfin, Rousseau repousse l'idée d'un pacte de soumission entre un peuple et son souverain ; la liberté des sujets ne peut s'échanger contre leur subsistance, leur sécurité ou leur vie.

Pour fonder cette autorité légitime, le peuple doit donc établir des conventions. Ces conventions forment le Pacte social. Il se doit d'articuler entre eux intérêt privé et intérêt commun –l'objet de ce dernier sera nommée « volonté générale ».

A cet égard, il rappelle que c'est ce qu'il y a de commun dans les intérêts particuliers qui fonde le lien social. D'autre part, cet instant où le peuple s'associe est aussi un tournant de son évolution où il doit apprendre à définir son intérêt particulier non plus selon l'ordre des passions mais selon celui de la raison. Ainsi Rousseau écrit : « Ce que l'homme perd par le contrat social, c'est sa liberté naturelle », c'est-à-dire l'état de l'animal « stupide et borné » pour devenir un « être intelligent et un homme ». La liberté naturelle qui est perdue est compensée par l'acquisition d'une nouvelle conscience plus avantageuse.

Ainsi, « au lieu de détruire l'égalité naturelle, le pacte fondamental substitue au contraire une égalité morale et légitime à ce que la nature avait pu mettre d'inégalité physique entre les hommes, et que, pouvant être inégaux en force ou en génie, ils deviennent tous égaux par convention et de droit ». Principe qui préfigure l'esprit de l'établissement, quelques décennies plus tard, de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Ainsi confortée la légitimité de la volonté générale, Rousseau précise que celle-ci n'a pas besoin d'être toujours unanime tant que toutes les voix sont prises en compte. Ce qui généralise la volonté est l'intérêt commun qui unit les voix. le pacte social donne au corps politique un pouvoir absolu sur tous ses membres. Ce pouvoir dirigé par la volonté générale se nomme souveraineté.

Un acte de souveraineté c'est une convention :
- légitime (car sa base est le contrat social),
- équitable (car commune à tous),
- utile (car son objet est le bien général),
- solide (car la force publique est son garant).

Tant que la convention reste ainsi établie, elle garantit à ses sujets qu'ils n'obéissent à personne sinon à leur propre volonté. Si le pouvoir souverain dépasse les bornes des conventions générales, il ne peut que se disqualifier. A l'inverse, la loi étant la déclaration de la volonté générale, elle ne se peut être injuste.

Rousseau pose alors l'ultime problème relatif à l'établissement de la législation : « Comment une multitude aveugle qui souvent ne sait ce qu'elle veut, parce qu'elle sait rarement ce qui lui est bon, exécuterait d'elle-même une entreprise aussi grande aussi difficile qu'un système de législation ? » L'auteur fait alors émerger la figure du Législateur et en détaille les qualités. « le Législateur est à tous égards un homme extraordinaire dans l'Etat. S'il doit l'être par son génie, il ne l'est pas moins par son emploi. » En effet, il n'aura jamais vocation a être magistrats ou souverain, pour éviter tout conflit entre l'établissement des lois et leur exercice. « Si celui qui commande aux hommes, ne doit pas commander aux lois, celui qui commande aux lois ne doit pas non plus commander aux hommes ; autrement ses lois, ministres de ses passions, ne feraient souvent que perpétuer ses injustices, et jamais il ne pourrait éviter que des vues particulières n'altérassent la sainteté de son ouvrage ».

Pour l'établissement du gouvernement Rousseau reprend cette contradiction entre l'ordre demandé par la volonté général et celui de l'ordre naturel. Ce dernier classant par ordre d'importance, volonté générale / volonté de corps / volonté particulière. Ce qui est l'ordre strictement inverse à ce qu'exige l'ordre social. La constitution du gouvernement devra donc prendre en compte ce fait pour garantir un ordre social juste, en séparant les pouvoirs, accordant pour des durées limitées l'exercice des charges d'Etat, etc. soient des systèmes de contrôle pour éviter que les représentants de l'Etat détournent les efforts du gouvernement de leur but collectif.

Un livre à relire, dont les notions et leur articulation ne sont pas si évidentes qu'il me semblait de prime abord.
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