AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de belcantoeu


«La Vallée heureuse» (1946), Prix Renaudot, est le premier livre de Jules Roy (1907-2000), écrivain et pilote français né en Algérie et engagé dans la Royal Air Force pendant la dernière guerre. le livre est un récit autobiographique, un témoignage, qui raconte le quotidien des membres d'une escadrille chargée, après le débarquement de Normandie, de bombarder les centres névralgiques allemands pour permettre aux alliés d'avancer et de hâter la victoire contre l'Allemagne nazie. «La vallée heureuse» était le nom désignant la Ruhr en jargon, l'une des cibles principales des missions. Ce livre n'est cependant ni un ouvrage politique ni un hymne dithyrambique à l'héroïsme national comme on en trouve dans la littérature et le cinéma de guerre soviétique. C'est une sorte de témoignage humain sur les angoisses, les dangers, les défaillances de l'avion, les camarades qui le soir manque à l'appel, la vie quotidienne à la base, les lettres des familles, l'étonnement parfois d'être encore en vie.. On y retrouve un peu l'atmosphère de Saint-Exupéry se battant contre les éléments dans «Vol de nuit». À la dernière page du livre, c'est Morin, le meilleur ami de l'auteur qui sera manquant.
Aujourd'hui, trois quart de siècle après l'effondrement final de la Wehrmacht, la guerre est devenu un concept abstrait pour ceux qui ne l'ont (heureusement) pas vécu, et qui se passe encore, mais loin de nos frontières avec des armes sophistiquées guidées par satellite. À l'époque, les bombardiers quadrimoteurs dépassaient à peine 300 Km/h, avec très peu d'instruments de navigation, et opéraient la nuit, tous feux éteints sur l'Allemagne pour ne pas être pris pour cible. Dans la nuit, le danger venait aussi d'autre chose: dans le premier chapitre, deux avions de la base se touchent en plein ciel dans le noir. L'un des deux arrive à regagner la base, mais l'autre s'écrase dans une colonne de fumée. le rôle du navigateur était alors essentiel, calculant pour le pilote la trajectoire et le minutage, en fonction notamment de la dérive des vents et lui indiquant les changements de caps à suivre et les changements d'altitude à chaque stade de la sortie. L'équipage comprenait aussi le radio, le mitrailleur inférieur, le mitrailleur arrière et le mitrailleur supérieur, tous baignant dans l'odeur d'huiles chaudes. Ces opérations étaient minutieusement préparées. Ainsi, lors d'une mission, pas moins de 1.200 avions décollent d'une série de bases différentes, à des heures calculées à la minute près, pour se regrouper de nuit et atteindre les cibles par vague successives dans une visibilité médiocre (obscurité, nuages,...) où les avions risquent sans cesse de se toucher. Il faut voler haut pour ne pas être repéré par les projecteurs et les canons anti-aériens. Quelques citations :
«Il songeait... à ceux qui meurent maintenant pour des tyrans, simplement parce qu'ils sont les fils de leur pays et que leur pays les précipite dans l'abyme».
«Chevrier s'assura que chacun, dans l'équipage, avait vidé ses poches dans les sacoches blanches et rouges (les rouges seraient brûlées si l'équipage était manquant et le contenu des blanches envoyé aux familles)».
«Les avions entraient dans les nuages et, malgré les routes rigoureuses qu'ils devaient tenir avant de repasser à la minute prévue sur la base pour prendre leur véritable départ, il avait fallu éviter les avions de partout».
«Ce soir d'octobre, il décollerait pour lâcher cinq tonnes et demie de bombes sur Bochum à vingt heures huit. La nuit tomberait vers dix-huit heures. Il ferait nuit noire une demi-heure plus tard, sans lune, et c'était la treizième sortie de l'équipage».
«Il s'agissait pour eux, cette fois encore, de ne pas être parmi les trente équipages qui seraient abattus sur l'objectif, ou celui des vingt-cinq de la station qui ne rentreraient pas... Il est rare qu'un équipage atteigne la vingtième mission».
Jules Roy a fini avec le grade de colonel. Comme pilote, il a défendu son pays attaqué par l'Allemagne nazie, mais démissionna car il ne pouvait pas accepter la guerre d'Indochine: "J'ai vu qu'on brûlait les villages, alors je les ai traité de tout et les ai quitté avec mépris".
Commenter  J’apprécie          71



Ont apprécié cette critique (7)voir plus




{* *}