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Citations sur Mikado d'enfance (12)

Mon père avait la République chevillée au corps. C'était sa religion. Hors la République point de Salut. Il n'aurait jamais inscrit ses enfants dans le privé, alors mon frère et moi avons toujours fréquenté l'école publique. Il ne s'agissait pas seulement d'une foi infaillible dans son enseignement institué sous la troisième République en bras armé de la Nation. Il avait la conviction que le brassage était le ferment de la vie en société.
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La mémoire est une pelote de laine, un nœud de serpents, des grains de riz dans un bocal, un jeu de mikado. Comment tel souvenir est-il invité à remonter à la surface de cet embrouillamini ?
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Les écrivains peuvent faire mal sans le vouloir. En convoquant le dévoilement de leur existence, ils emportent celle d'autres qui ne demandent qu'à vivre en paix. Ils embarquent dans leur cérémonie des vies qui ne sont pas les leurs.
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Le moment est simplement venu de me remémorer, le souvenir remonte parce le magma de la mémoire est une substance mouvante et que, comme un océan finit par déposer sur la rive un corps englouti, ma mémoire se décide à la régurgiter.
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Je me souviens du slogan clamé sur toutes les ondes après la première crise pétrolière, celle de 1973. La France s’est lancée dans la chasse au « gaspi » et les spots annonçaient : « En France, on n’a pas de pétrole mais on a des idées. »
En 1978, mon père nous promettait l’exil au Québec si l’Union de la gauche remportait les élections législatives. J’ai commencé à m’imaginer sur un traîneau tiré par des chiens, dans des forêts bien plus denses que nos forêts des Alpes et des étendues de neige bien plus immenses que les nôtres.
1979. La gauche n’était pas passée mais nous sommes quand même partis. Dans le Pas-de-Calais. Mon père y était muté. Il a fallu recommencer une vie, se faire des nouveaux amis. C’était peut-être mieux ainsi.
1975, rien. Le rien du journal de Louis XVI en date du 14 juillet 1789. Rien dans l’histoire de France, rien dans ma vie, seulement cette classe de cinquième 2 au collège de Vizille, un bourg traversé l’hiver par les skieurs de l’Europe entière en route vers l’Alpe d’Huez.
Vizille ensommeillée en aval de la grise vallée de la Romanche dont les rares habitants ne voient le soleil que quelques heures par jour en été, jamais en hiver. Vizille, son château édifié par le connétable de Lesdiguières, son collège flambant neuf construit sur le modèle d’Édouard-Pailleron à Paris. En 1973, l’incendie du collège Édouard-Pailleron avait fait vingt morts.
Il s’était passé quelque chose en 1975, mais je l’avais éjecté de ma mémoire, placé dans un recoin de mon cerveau.
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Le collège s'appelait les Mattons avec deux t, mais à l'oreille, le nom donnait la sensation d'une prison. Qui avait eu l'idée de donner à l'établissement le nom du quartier ? Quel conseil municipal de cette mairie communiste, quel recteur d'académie avait préféré ces relents pénitentiaires au souvenir d'un prestigieux homme de lettres ?
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Comment vous-vous que mon fils soit antisémite alors que mon père est mort à Auschwitz ? (p101)
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J’avais cheminé dans la vie, presque toujours avec la sensation que je n’étais pas maître de mon destin, comme si j’avais pris place à l’avant d’une locomotive et qu’à l’approche d’un aiguillage, j’ignorais si la machine emprunterait les rails de droite ou ceux de gauche. Et le chemin de fer n’avait cessé de proposer de nouveaux aiguillages, de sorte que quarante ans plus tard j’étais incapable de reconstituer le trajet, la suite de hasards, de rencontres, de fuites, d’injonctions, de tentatives d’échappement et de décisions qui m’avaient amené à vouer ma vie au yiddish, à l’hébreu, aux langues juives. Etait-ce vraiment lévénement qui avait tout déclenché, comme le coup de sifflet d’un chef de gare, me lançant dans cette course folle, cette vie étourdie?
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J'avais plus de quarante ans, mais je ne l'avais pas attendu pour me mettre en route : vingt ans auparavant, j'avais suivi son étoile, mon étoile, et j'avais mis sa langue dans ma bouche.
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INCIPIT
L’ardoise tenue par cette adolescente blonde indique « année scolaire 1974-1975 », mais sans la précision, l’on comprendrait au premier coup d’œil que la photo a été prise dans les années 1970. La professeure de mathématiques exhibe une coiffure à la Mireille Darc dans Le téléphone rose, version brune. Les cols de chemise sont pointus, les pantalons évasés, « pat’ d’éph » comme on disait.
Il est assis au premier rang, le deuxième à partir de la gauche. Il a les cheveux longs mais sans outrance, une coiffure beaucoup moins exubérante que celle de ses camarades, on devine qu’il n’ose pas l’excès de ces années où pourtant presque tout est permis. Il est habillé de bleu, pantalon de toile bleue, chemise ciel, blouson bleu. La couleur dictée par sa mère. « Un enfant aux yeux bleus porte du bleu. » Il est assis au premier rang parce qu’il est petit. Il a un an d’avance. Bon élève, donc. Son corps n’est pas encore passé à la moulinette de l’adolescence alors le photographe ne l’a pas placé à côté de Vincent et de Pierre, le blond et le brun debout au dernier rang, les deux seuls garçons sur la ligne de crête parmi une série de filles longues comme des tiges de marguerites : Pascale, Christine, Ghislaine, Éva, Josiane, Marylène. Peut-être est-il devant, collé à la prof de maths, parce qu’il est bon élève, un peu fayot même, il a toujours aimé l’école, il adorait le maître en primaire, et à présent les professeurs du collège. En classe, il est souvent le premier à répondre. Sur son visage, un sourire à peine esquissé. De la tristesse dans son regard. On me le dit encore : j’ai une tristesse dans la pupille dont je ne parviens pas à me départir. Car lui, c’est moi. Enfin pas tout à fait. Un moi à plus de quarante ans de distance, un collégien dont je ne me souviens guère, un garçon encore niché auquel je n’ai plus vraiment accès. Il s’est perdu dans le lointain pays de l’enfance, dans l’épais brouillard des années passées. Elles se sont agglomérées les unes aux autres et ont laissé une masse de souvenirs et d’oublis, série de flashs aspirés par une matière noire, un flou dans lequel il faut sans cesse poser des balises afin qu’il ne se transforme définitivement en chaos.
J’ai un souvenir très vif de la mort du général de Gaulle en 1970. Je me souviens du visage de mon père quand il a appris la nouvelle à la radio. Il perdait son père spirituel, celui qui accompagnait sa vie depuis l’enfance. Je ne comprenais pas très bien comment la mort d’un chef d’État pouvait tant l’affecter et je me suis tu, me contentant d’observer.
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