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Critique de Erik35


ET LUX FACTA EST !

Nous sommes en 1923. Un grand et vieux monsieur de la peinture, âgé de 83 ans se fait opérer d'une double cataracte. C'est que ce regard est précieux, l'un des plus révolutionnaires qui fut, au temps de sa jeunesse, mais dont le succès ne s'est jamais démenti depuis.

Ces yeux, ce regard à la recherche de la lumière, de toutes les lumières, ce sont ceux d'Oscar Claude Monet, l'ancien chef de file de ceux qu'un critique imbécile, un certain Leroy dont on ne se souvient plus que pour ce haut fait d'arme, pensant les moquer à bon compte, appellera donc et pour la postérité : Les Impressionnistes !

Alors, tandis que son vieil ami "Le Tigre" le bichonne durant ces quelques jours de repos forcés, Monet se remémore les temps anciens de ses difficiles débuts.

Il se souvient alors de tout, notre génie : de sa conviction d'être fait, depuis tout jeune, pour le dessin puis la peinture, surtout depuis qu'il a rencontré son premier vrai maître, Eugène Boudin. Puis c'est la décision, douloureuse, de ne pas suivre la destinée que lui réservait son père de reprendre la succession de sa boutique à Le Havre. C'est ensuite Paris, et les cours, à l'Académie Suisse d'abord, puis les ennuyeuses leçons dans l'atelier d'un peintre bien trop académique pour ce qu'il a déjà en tête, un dénommé Charles Gleyre. Mais au moins, y rencontrera-t-il plusieurs de ses futurs coreligionnaires et amis fidèles : Renoir, l'ami de toujours, Sisley, un grand timide, Bazille au destin funeste (il mourra sur les champs de bataille de 70') mais qui le soutiendra tant, Pissaro l'anarchiste.

Ce sont des années de bohème où l'argent manque aussi cruellement que la créativité est insatiable. Et puis, il y a le choc : "Le déjeuner sur l'herbe" de son presque homonyme Manet, présenté au Salon de peinture et de sculpture, manifestation Ô! combien académique, mais absolument incontournable pour se faire un nom. Mais l'oeuvre de Manet avait été présentée pour se moquer d'elle et de toutes celles dans son genre, au sein d'un "Salon des refusés"...

L'art de Monet ne sera plus jamais le même et jusque dans les pires moments de dèche intégrale, de doute ou de soucis familiaux, il parviendra toujours à trouver les ressorts pour poursuivre son oeuvre, la chance s'en mêlant aussi pour le sortir des plus mauvais pas.

Il y aura, bien entendu, les premiers succès, la découverte de cette ferme qui deviendra, bien plus tard, ce magnifique musée-jardin de Giverny, et puis, l'âge venant, le souvenir de la disparition de la plupart des premiers amis. Celle de Renoir, surtout.

Il y aura, bien entendu, Camille Dancieux, l'un de ses modèles préférés, avec laquelle il aura une aventure se transformant en première paternité. Le scénariste insiste peu, mais l'on comprend que c'est plus une relation de compagnonnage affectueux et érotique sans être une relation véritablement amoureuse que Monet vit avec celle qui sera pourtant sa première épouse,- d'ailleurs seulement 5 ans après la naissance du premier enfant -. Camille mourra à l'âge de 32 ans (probablement d'un cancer de l'utérus) un an après la naissance du second fils de Monet... Mais Monet était tombé amoureux de celle qui deviendra sa seconde épouse, quelques années auparavant. Épouse d'un mécène bientôt ruiné et avec laquelle il aura aussi un fils presque dans les mêmes moments que celui de Camille ! Alice, c'est son prénom, demeurera sa fidèle compagne jusqu'à sa mort, 15 longues années avant celle du peintre...

... Que nous retrouvons donc, bon pied bon œil, en compagnie du "Père la Victoire", pile sur cette arche rendue célèbre par ses toiles, surplombant ces Nymphéas si sublimes que l'on peut aujourd'hui découvrir et contempler à l'Orangerie.

Ainsi se clôt ce Monet, nomade de la lumière. Un album proposé par les éditions Le Lombard dans une nouvelle collection nommée Contre/Champ, et consacrée à de grands personnages de la philosophie ou de la peinture (du moins, jusqu'à ce jour). Les auteurs, d'origine espagnole, en sont Salva Rubio dont c'est le premier scénario pour la Bande-Dessinée et Efa (Rodriguez, Alter Ego, Kia Ora) pour le dessin.
L'intention était sans doute excellente mais l'ouvrage est, au final, très convenu, d'une originalité moins assurée que probablement souhaitée et si l'on ne regrette pas sa lecture, on se prend à songer qu'un tel peintre méritait peut-être un résultat plus enlevé.
Servi par un dessin d'inégale valeur mais toujours intéressant dans la conception et d'une colorisation très belle - Efa tâche de suivre les différents styles du peintre au long de son existence. C'est parfois très réussi, parfois tellement en deçà de l'original que ça en devient presque gênant - le texte est abrupt, ne parvient jamais à savoir s'il doit se libérer de son modèle ou être respectueux de son histoire - à la manière d'une biographie "autorisée" -, si c'est, comme il se prétend l'être, un "roman graphique" ou une bonne vieille Bande-dessinée, sans la prétention souvent pénible du style précité, misérable cache-sexe au lecteur ayant un peu honte de s'avouer qu'il apprécie en toute humilité ce fameux 9ème art (mais je n’empiéterai pas ici sur l'une des thématiques de prédilection de ce cher Alfaric, dont je partage d'ailleurs globalement l'avis).
On passe ainsi d'un certain didactisme propre à la Bande-dessinée historique ou biographique à des moments plus intimistes et d'une vision se voulant assez personnelle, mais sans jamais parvenir à savoir si les auteurs sont parvenus à se décider pour tel ou tel genre. A moins que la charte graphique de la collection ne permette tout simplement pas le genre de liberté souhaitable...

Quant à la dernière partie, supposément documentaire, elle est inutilement redondante car, là où l'on aurait aimé découvrir de belles reproductions des œuvres originales dont se sont inspirés les auteurs dans une belle mise en avant, ce sont les planches déjà vues au fil de l'album qui prennent presque tout l'espace, au détriment des fac-similés attendus.

Un avis mitigé, donc, mais un moment tout de même fort agréable en compagnie de ce grand maître de la lumière que fut Oscar-Camille Monet.
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