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Le récit est assez fidèle à cette vie de bohème qu'a vécu l'artiste, mais finalement l'aspect pécunier, et économique est ici un peu redondant, trop insistant, et pas du plus grand intérêt (On dirait que le monde des historiens et biographe d'art est toujours traumatisé d'avoir raté van Gogh de son vivant). Heureusement, le récit, ancré dans l'histoire de l'art est aussi ponctué de quelques réflexions sur la création et la peinture, comment évoquer Monet sans parler de lumière. Cette obsession de la lumière est bien présentée, et on entre bien dans les problématiques chères à cet artiste, lumière naturelle contre lumière artificielle, suprématie de la lumière sur la forme. J'aurais sans doute aimé qu'elles prennent le dessus sur la partie purement économique et c'est sans doute ce que je reproche à ce récit.
Alors je voudrais tout particulièrement souligner le travail graphique d'Efa, tout à fait remarquable, parce que justement, les illustrations sont toujours liées à l'oeuvre de Claude Monet, tout au long du récit, alors que se mesurer à cet énorme artiste jamais égalé est sans doute très périlleux. Efa s'y est risqué, et même si toutes ses vignettes ne sont pas parfaites, je le trouve un peu fébrile dans les dominantes rouges, le soucis de la lumière y est bien présent. Dès les premières pages, en regardant l'utilisation des bleus clairs dans les ombres, je me suis dit que le graphiste n'était pas passé à côté, qu'il avait tout compris. Et suivre le cheminement de cette lumière si spécifique à Claude Monet au fil des pages fut un réel bonheur. le graphiste est allé plus loin que le scénariste dans l'interprétation de l'oeuvre de Monet, avec un respect qui frise avec l'adoration, et cela suffit à faire de cette bande dessinée un superbe réussite.
J'ai dû utiliser 50 fois le mot lumière dans cette critique, mais je ne pense pas avoir abusé, c'est tout à fait normal, si vous voulez trouver un Monet parmi une dizaine de tableaux d'autres artistes, c'est bien simple, c'est celui d'où provient la lumière, si vous allez au Musée d'Orsay, tentez l'expérience.
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Magnifique BD relatant les années de formation et de "vaches maigres" du génie de la peinture qu'a été Claude Monet.
A travers des planches magnifiquement illustrées (je devrais dire peintes), nous avec affectation les divers revers de fortune de cet homme obstiné qui a initié le mouvement impressionniste et révolutionné la peinture.
Je connais bien l'oeuvre de Monet et je connaissais les grandes lignes de sa longue vie mais c'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai découvert les aléas plus domestiques de sa vie qui ont eu, toutefois, des conséquences sur son art et sur sa production.
Certains passages sont très émouvants et la lecture que font les auteurs de certaines informations parvenues jusqu'à nous sont franchement intéressantes.
Bref, une lecture très agréable et édifiante mais qui laisse un gout de trop peu quant Claude Monet arrive à Giverny...alors que nous avons accompagné le peintre dans tous ces doutes, tous ces déboires, voir le reste de sa vie et de ses pertes résumés en une brève course est un peu frustrant...
Le dossier en fin de tome est également très intéressant tant au niveau des références "iconographiques" qu'au niveau des choix narratifs.
Côté dessin, c'est magsitral, le traitement tout en couleurs et en lumières est un bel et vibrant hommage à l'impressionnisme.
Splendide!
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ET LUX FACTA EST !

Nous sommes en 1923. Un grand et vieux monsieur de la peinture, âgé de 83 ans se fait opérer d'une double cataracte. C'est que ce regard est précieux, l'un des plus révolutionnaires qui fut, au temps de sa jeunesse, mais dont le succès ne s'est jamais démenti depuis.

Ces yeux, ce regard à la recherche de la lumière, de toutes les lumières, ce sont ceux d'Oscar Claude Monet, l'ancien chef de file de ceux qu'un critique imbécile, un certain Leroy dont on ne se souvient plus que pour ce haut fait d'arme, pensant les moquer à bon compte, appellera donc et pour la postérité : Les Impressionnistes !

Alors, tandis que son vieil ami "Le Tigre" le bichonne durant ces quelques jours de repos forcés, Monet se remémore les temps anciens de ses difficiles débuts.

Il se souvient alors de tout, notre génie : de sa conviction d'être fait, depuis tout jeune, pour le dessin puis la peinture, surtout depuis qu'il a rencontré son premier vrai maître, Eugène Boudin. Puis c'est la décision, douloureuse, de ne pas suivre la destinée que lui réservait son père de reprendre la succession de sa boutique à Le Havre. C'est ensuite Paris, et les cours, à l'Académie Suisse d'abord, puis les ennuyeuses leçons dans l'atelier d'un peintre bien trop académique pour ce qu'il a déjà en tête, un dénommé Charles Gleyre. Mais au moins, y rencontrera-t-il plusieurs de ses futurs coreligionnaires et amis fidèles : Renoir, l'ami de toujours, Sisley, un grand timide, Bazille au destin funeste (il mourra sur les champs de bataille de 70') mais qui le soutiendra tant, Pissaro l'anarchiste.

Ce sont des années de bohème où l'argent manque aussi cruellement que la créativité est insatiable. Et puis, il y a le choc : "Le déjeuner sur l'herbe" de son presque homonyme Manet, présenté au Salon de peinture et de sculpture, manifestation Ô! combien académique, mais absolument incontournable pour se faire un nom. Mais l'oeuvre de Manet avait été présentée pour se moquer d'elle et de toutes celles dans son genre, au sein d'un "Salon des refusés"...

L'art de Monet ne sera plus jamais le même et jusque dans les pires moments de dèche intégrale, de doute ou de soucis familiaux, il parviendra toujours à trouver les ressorts pour poursuivre son oeuvre, la chance s'en mêlant aussi pour le sortir des plus mauvais pas.

Il y aura, bien entendu, les premiers succès, la découverte de cette ferme qui deviendra, bien plus tard, ce magnifique musée-jardin de Giverny, et puis, l'âge venant, le souvenir de la disparition de la plupart des premiers amis. Celle de Renoir, surtout.

Il y aura, bien entendu, Camille Dancieux, l'un de ses modèles préférés, avec laquelle il aura une aventure se transformant en première paternité. Le scénariste insiste peu, mais l'on comprend que c'est plus une relation de compagnonnage affectueux et érotique sans être une relation véritablement amoureuse que Monet vit avec celle qui sera pourtant sa première épouse,- d'ailleurs seulement 5 ans après la naissance du premier enfant -. Camille mourra à l'âge de 32 ans (probablement d'un cancer de l'utérus) un an après la naissance du second fils de Monet... Mais Monet était tombé amoureux de celle qui deviendra sa seconde épouse, quelques années auparavant. Épouse d'un mécène bientôt ruiné et avec laquelle il aura aussi un fils presque dans les mêmes moments que celui de Camille ! Alice, c'est son prénom, demeurera sa fidèle compagne jusqu'à sa mort, 15 longues années avant celle du peintre...

... Que nous retrouvons donc, bon pied bon œil, en compagnie du "Père la Victoire", pile sur cette arche rendue célèbre par ses toiles, surplombant ces Nymphéas si sublimes que l'on peut aujourd'hui découvrir et contempler à l'Orangerie.

Ainsi se clôt ce Monet, nomade de la lumière. Un album proposé par les éditions Le Lombard dans une nouvelle collection nommée Contre/Champ, et consacrée à de grands personnages de la philosophie ou de la peinture (du moins, jusqu'à ce jour). Les auteurs, d'origine espagnole, en sont Salva Rubio dont c'est le premier scénario pour la Bande-Dessinée et Efa (Rodriguez, Alter Ego, Kia Ora) pour le dessin.
L'intention était sans doute excellente mais l'ouvrage est, au final, très convenu, d'une originalité moins assurée que probablement souhaitée et si l'on ne regrette pas sa lecture, on se prend à songer qu'un tel peintre méritait peut-être un résultat plus enlevé.
Servi par un dessin d'inégale valeur mais toujours intéressant dans la conception et d'une colorisation très belle - Efa tâche de suivre les différents styles du peintre au long de son existence. C'est parfois très réussi, parfois tellement en deçà de l'original que ça en devient presque gênant - le texte est abrupt, ne parvient jamais à savoir s'il doit se libérer de son modèle ou être respectueux de son histoire - à la manière d'une biographie "autorisée" -, si c'est, comme il se prétend l'être, un "roman graphique" ou une bonne vieille Bande-dessinée, sans la prétention souvent pénible du style précité, misérable cache-sexe au lecteur ayant un peu honte de s'avouer qu'il apprécie en toute humilité ce fameux 9ème art (mais je n’empiéterai pas ici sur l'une des thématiques de prédilection de ce cher Alfaric, dont je partage d'ailleurs globalement l'avis).
On passe ainsi d'un certain didactisme propre à la Bande-dessinée historique ou biographique à des moments plus intimistes et d'une vision se voulant assez personnelle, mais sans jamais parvenir à savoir si les auteurs sont parvenus à se décider pour tel ou tel genre. A moins que la charte graphique de la collection ne permette tout simplement pas le genre de liberté souhaitable...

Quant à la dernière partie, supposément documentaire, elle est inutilement redondante car, là où l'on aurait aimé découvrir de belles reproductions des œuvres originales dont se sont inspirés les auteurs dans une belle mise en avant, ce sont les planches déjà vues au fil de l'album qui prennent presque tout l'espace, au détriment des fac-similés attendus.

Un avis mitigé, donc, mais un moment tout de même fort agréable en compagnie de ce grand maître de la lumière que fut Oscar-Camille Monet.
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Portrait réussi d'un génie modeste. Monet est l'un de mes piètres préfèrés et j'ai toujours admiré son incroyable modestie et son insatisfaction hallucinante (il n'aurait selon ses biographies jamais vraiment aimé un seul de ses tableaux de sa vie !!)...
J'ai donc sauté sur ce livre avec un grand plaisir. C'est toujours un challenge pour un roman graphique de s'attaquer à un peintre. Surtout que ces derniers peuvent être plus ou moins faciles à rendre. Monet n'est pas Mondrian (que j'adore par ailleurs) et l'on imagine que cela a nécessité un formidable travail. de fait, le livre est vraiment très réussi, il commence par une horrible opération des yeux en compagnie de son ami Clemenceau puis on retrace la vie de ce génie depuis sa rencontre avec Boudin jusqu'à l'affirmation d'un nouveau courant.
C'est très clair, très esthétique, pédagogique aussi. Pour moi qui ait lu la biographie de Monet par Pascal Bonafoux, je dirais presque que dans un temps bien plus court, ce livre finalement fort brillant arrive à faire passer autant de choses ou presque, tout en offrant une vraie introduction visuelle à son oeuvre, dans le court du livre, puis dans une longue postface.
Et tout cela avec parfois une belle émotion, comme lors de la mort tragique de sa femme Camille.
Impressionnant !
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Coup de coeur !

Je ne connaissais l'impressionnisme que de nom. Je connaissais vaguement Oscar-Claude Monet. Ce que j'ai découvert grâce à ce roman graphique biographique, c'est un homme et un univers artistique fascinants.

La vie de cet homme n'a pas été facile. Il s'est battu et débattu pour vivre de sa passion. En oubliant souvent les siens qui l'ont pourtant toujours soutenu et inspiré.
C'était un homme de solitude et de lumière, un homme simple qui a peint des toiles qu'on découvre au fil des vignettes et, plus précisément, à la fin de l'ouvrage.

Les planches de ce roman graphique sont merveilleuses, sublimes. Les couleurs utilisées sont magnifiques, les références sont réfléchies et la ressemblance avec les toiles du peintre est exceptionnelle.

C'est un travail de maîtres qu'ont réalisé Efa et Salva Rubio !
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Qu'il est agréable, le temps d'une BD, d'être avec Monet et tous les autres peintres et écrivains qu'il fréquente. Lui qui recherchait tant la lumière, c'est sa période sombre qui y est décrite. Celle où sa préoccupation est de trouver de l'argent pour vivre. de belles planches colorisées pas toujours facile à rivaliser face au grand peintre.
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Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. La première parution de l'album date de 2017. Il a été écrit par Salva Rubio (scénariste, écrivain et historien) et peint par Efa (Ricard Fernandez, bédéaste). Il comprend 88 pages de bande dessinée. Il s'ouvre avec une préface rédigée par Hughes Gall, directeur de la Fondation Claude Monet et du musée de Giverny. Il se termine avec un article de 17 pages intitulé le miroir de Monet, l'envers des toiles, montrant de quelles toiles se sont inspirés les auteurs pour certaines cases, avec une reproduction de l'oeuvre et la case correspondante à côté.

Le 10 janvier 1923, dans le cabinet du docteur Charles Coutela, George Clémenceau fait tout son possible pour que Oscar-Claude Monet accepte de subir l'opération de la cataracte, plutôt que de devenir aveugle. Finalement, il s'y résout. Après Clémenceau raccompagne l'artiste en voiture avec chauffeur jusqu'à sa propriété de Giverny. Il aide son ami à se coucher et lui indique qu'il va s'occuper de son cher jardin pendant les trois jours où Monet doit rester couché les yeux bandés. Dans son lit, Monet se souvient de la première fois où il a eu l'impression de vraiment voir. En 1857, peu de temps après la mort de sa mère, il observe Eugène Boudin (1824-1898) en train de peindre sur une plage du Havre. En classe, il se met à dessiner des caricatures qu'il revend ensuite à 20 francs pièce. Un jour il est présenté à Eugène Boudin dont il n'aime pas trop les peintures. Celui-ci l'emmène peindre à Rouelle en bordure du Havre, en plein air, au grand étonnement d'Oscar-Claude qui pensait qu'il allait encore se taper une séance en atelier avec un maître très directif. Boudin et Johan Barthold Jongkind (1819-1891) le convainquent d'aller s'installer à Paris. Sa tante l'aide à convaincre son père. Il commence par fréquenter l'Académie suisse, située quai des Orfèvres. Puis il réalise son service militaire en Algérie au sein du premier régiment de chasseurs d'Afrique. À son retour, il rejoint l'académie du peintre Charles Gleyre (1806-1874), où il côtoie Auguste Renoir (1841-1919), Jean Frédéric Bazille (1841-1870), Alfred Sisley (1839-1899).

Les quatre amis décident de quitter l'atelier de Gleyre et de développer leur propre manière de peindre la nature. Monet a conscience qu'il lui faut commencer à gagner sa vie et il décide de convaincre ses amis de présenter leurs toiles au Salon de peinture et de sculpture, appelé le Salon. Mais en 1863, l'organisation du Salon est perturbée par le refus de 3.000 oeuvres par le jury. À la demande de Napoléon III, il est organisé un Salon des refusés qui accueille les oeuvres de Pissaro, Fantin-Latour, Guillaumin, Jongkind, et Cézanne. Intrigué, Monet s'y rend et son attention est attirée par l'oeuvre la plus scandaleuse : le déjeuner sur l'herbe, d'Édouard Manet (1832-1883). Cela agit comme un déclic pour Monet de voir que l'artiste a laissé des coups de pinceau apparents sur les personnages, que les ombres et les lumières s'opposaient vaillamment, que même si le sujet n'est pas très novateur l'artiste a réalisé un tableau d'extérieur. Les amis peintres profitent de la fermeture de l'atelier de Gleyre en faillite pour se délocaliser et aller peindre à Chailly-en-Bière, près de Fontainebleau.

Oscar-Claude Monet a vécu 86 ans de 1840 à 1926, et a peint de nombreuses toiles durant toute sa vie. Même avec 88 pages, les auteurs ont dû faire des choix. Après l'introduction en 1923, L'histoire débute en 1857 alors que Monet a 17 ans et s'arrête en 1883, soit 26 ans plus tard, les 40 années entre 1883 et 1923 étant évoquées en seulement 2 pages. Ces 26 années correspondent au début d'Oscar-Claude dans le métier d'artiste peintre, jusqu'à ce qu'il s'établisse à Giverny, avec un revenu financier consolidé. En fonction de sa familiarité avec l'artiste, le lecteur découvre ou redécouvre une partie emblématique de son parcours : depuis les premiers cours avec Eugène Boudin (1824-1898), jusqu'à la reconnaissance par le grand public, en traversant de nombreuses années de pauvreté et des années moins mauvaises. Il observe un individu animé par une solide conviction : celle de réaliser des tableaux en extérieur et de peindre la lumière plutôt que des sujets académiques de façon académique. le lecteur fait donc connaissance avec cet homme, sa vocation et d'une manière certaine son entêtement.

Les dessins montrent quelqu'un de sympathique et enjoué, au visage parfois préoccupé quand il est rattrapé par les dettes. Salva Rubio dépeint Oscar-Claude Monet comme une personne menant une vie de bohème, refusant de se laisser dicter sa conduite par des questions d'argent. Il n'hésite donc pas à emprunter à ses amis sans grand espoir qu'il les rembourse un jour (sauf reconnaissance de ses qualités d'artiste, reconnaissance qui ne vient pas), à faire des dettes auprès des commerçants, de son propriétaire, de ses employés, de ses fournisseurs de matériel de peinture, et souvent à la recherche d'un mécène compréhensif. Il est difficile de ressentir de la sympathie pour ce mari et ce père de famille qui fait passer son art avant le bien-être de sa famille. Il est difficile de saisir l'intention des auteurs : ont-ils supposé que la sympathie du lecteur fût tout acquise à Monet parce que la postérité lui a donné raison ? Au contraire, ont-ils voulu montrer l'homme derrière l'artiste, ainsi que les épreuves qu'il a dû traverser, luttant contre l'adversité toutes ces années durant jusqu'à être reconnu à sa juste valeur ?

Indépendamment de ce placement moral déstabilisant, les auteurs savent raconter la vie d'Oscar-Claude Monet sur plusieurs plans. Il y a donc sa vie personnelle qui reprend la rencontre avec Eugène Boudin, Charles Gleyre, Auguste Renoir, Jean Frédéric Bazille, Alfred Sisley, et plus tard bien d'autres impressionnistes, ainsi qu'avec Camille Doncieux (1847-1879, sa première épouse), Alice Hoschedé (1844-1911, sa seconde épouse). Cette facette de sa vie est indissociable de sa vie d'artiste et donc de la naissance du mouvement impressionniste. Efa & Rubio évoquent sa vocation de peindre la lumière, générée par les étincelles que furent Boudin et le tableau le déjeuner sur l'herbe (1863) d'Édouard Manet. Ils recréent également les conditions d'exposition de l'époque, en particulier le Salon et la création du Salon des Refusés. S'il n'est pas familier de ces éléments historiques, le lecteur comprend aisément ce qui se joue, grâce à une narration claire et synthétique. Il note d'autres éléments historiques évoqués ou montrés comme la guerre franco-prussienne de 1870 et la Commune de Paris, ou l'amitié entre Monet et Georges Clémenceau (1841-1929).

Cette dimension du récit, la reconstitution historique, est également nourrie par la narration visuelle, très impressionnante. Efa utilise des couleurs chaudes et douces, très agréables à l'oeil. Il met en oeuvre une technique entre détourage des formes avec un trait encré, et couleur directe, dosant les deux en fonction de la case correspondante. Il représente les personnes avec une approche naturaliste que ce soit pour leur morphologie, leurs tenues vestimentaires ou leurs postures. Dès la première page, le lecteur est impressionné par le niveau de détails : les différents outils professionnels dans le cabinet du docteur Charles Coutela. Ainsi la représentation des différents intérieurs leur donne une forte consistance, une unicité, avec le souci de l'authenticité historique. le lecteur prend un temps pour observer une des galeries du Louvre, puis laisse son regard errer le long des hauts murs sur lesquels sont accrochés les oeuvres présentées au Salon. Tout du long, il découvre des endroits sympathiques : l'intérieur d'un compartiment de train (page 20), l'atelier de Monet dans une soupente (page 32), la pièce unique de son appartement au hameau Saint-Michel (page 38), le café de la Nouvelle Athènes (page 49), le château de Rottembourg (page 59), etc.

Efa se montre tout aussi épatant pour les prises de vue en extérieur. le lecteur remarque vite que l'artiste s'essaie à des effets impressionnistes, dès la page 8 avec l'effet sur soleil sur la chaussée d'une route ombragée bordée d'arbres. En fait, il ne pas en mode impressionniste d'un coup : là aussi il trouve le bon dosage entre des effets impressionnistes et une approche descriptive. Monet travaillant majoritairement en extérieur, le lecteur a tout loisir d'admirer les paysages : la plage du Havre (page 10), une vue prise à Rouelles (page 12), la création du Déjeuner sur l'herbe de Monet (pages 24 & 25), une magnifique fin d'après-midi en banlieue de Ville d'Avray (page 31), le fog sur la Tamise (page 44), le tapis de neige (page 53), le tapis de feuilles d'automne à Montgeron (page 58), etc. Cela culmine avec la découverte sous une lumière quasi magique de Giverny (pages 86 & 87), et par les nymphéas (pages 92 & 93). S'il est familier de l'oeuvre de Monet, le lecteur aura repéré plusieurs clins d'oeil à des toiles célèbres. S'il ne l'est pas, les 17 pages de fin (Le miroir de Monet), permettent au lecteur de découvrir comment les auteurs ont intégré certains de ses tableaux en se les appropriant dans la narration, comment ils parviennent à en respecter l'esprit, sans essayer de les reproduire en plus fade.

Cette bande dessinée remplit son objectif d'évoquer une part de la vie d'Oscar-Claude Monet, un tiers à peu près. le choix effectué par les auteurs peut déstabiliser par la manière de présenter la vocation de l'artiste, sans concession morale. La narration emporte le lecteur dès la première page, à la fois par le flux de pensée de Monet qui apporte sa manière de voir les choses, à la fois par l'extraordinaire narration visuelle qui combine reconstitution détaillée avec impressionnisme de manière naturelle et évidente. En refermant l'ouvrage, le lecteur peut ressentir une forme de manque, à la fois du fait de cet étrange contradiction apparente entre la façon égoïste de se conduire de Monet et ce qu'il accomplit, à la fois parce que sa vie de créateur ne s'arrête pas en 1880 avec la découverte de Giverny, et qu'il a continué à innover (Le pont japonais, 1920-1922). D'un autre côté, les images d'Efa transportent le lecteur dans un monde d'impressions d'une douceur et d'une force remarquable, un incroyable travail de passage vers Monet.
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En 1923, Monet est un vieil homme presque aveugle. Depuis plus de dix ans, il souffre d'une double cataracte et refuse catégoriquement de se faire opérer. J'avoue que je le comprends ! Dès l'ouverture de l'album, on est dans le cabinet du médecin chez lequel son ami Clemenceau l'a forcé à se rendre. Les premières cases nous projettent à l'intérieur des yeux du patient : le noir. Il garde les paupières bien fermées. Dès qu'il les soulève, une lame menaçante et qui paraît énorme s'approche de sa pupille. Si on sait qu'en plus, l'ophtalmologiste s'appelle Coutela, il y a de quoi prendre ses jambes à son cou ! Mais il n'en aura pas la possibilité. L'opération a lieu. Il doit se reposer pendant quelques jours. L'occasion pour lui de replonger dans son passé.
Les auteurs retracent toute la vie de ce peintre si célèbre et si coté de nos jours et qui, pourtant, a connu tellement d'adversités. Comment il a dû batailler avec son père pour pouvoir s'adonner à sa passion, comment il a rencontré d'autres jeunes artistes rêvant de gloire et de nouveauté, refusant les règles académiques. Les réactions d'un public borné, pour lequel les toiles qui, actuellement, sont portées aux nues, ne sont que croûtes ridicules devant lesquelles tout le monde s'esclaffe.
Monet a sans cesse besoin d'argent. Il emprunte à l'un et à l'autre, il mange de la vache enragée. Il rencontre Camille, sa muse, on le voit peindre dans la nature, par tous les temps. Ses réalisations les plus connues s'élaborent sous nos yeux. Il vit dans des endroits sordides.
Avec lui, le lecteur traverse des moments de l'Histoire, tels la guerre de 1870, la création du Salon des Indépendants, la naissance de l'Impressionnisme.
On le suit lors de tous ses déménagements : Paris, Londres, Argenteuil, Vétheuil, jusqu'à la création de Giverny.
J'ai tout particulièrement admiré le travail minutieux d'Efa. En tournant les pages, on a la merveilleuse sensation d'avoir traversé la toile et de se promener dans les oeuvres de l'artiste. Toute la palette des couleurs est exploitée : des plus vives et chatoyantes aux plus sombres et tristes. Quelques planches en sépia et encre de Chine et soudain, lorsqu'enfin le maître ouvre les yeux, on est à ses côtés sur le pont japonais de Giverny (c'est la couverture du volume).
Les auteurs ont travaillé avec la plus grande rigueur. Dans un dossier à la fin de l'histoire, ils expliquent leur projet, puis, plusieurs pages, qui m'ont particulièrement plu, mettent en regard des toiles de Monet ou d'autres contemporains qui ont servi d'inspiration pour certaines vignettes. C'est vraiment une excellente idée qui permet de visualiser les sources sans avoir à les chercher.
Cet album est, sans conteste, un bijou, un chef d'oeuvre, un grand coup de coeur pour moi.
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Monet, nomade de la lumière porte bien son titre. Efa et Rubio retracent la vie du peintre et donnent une dimension plus que réaliste de ce que fut sa vie. Pendant la plus grande partie de celle-ci, son obsession à traquer la lumière absolue lui a valu plus de déboires que de satisfaction. Et pourtant, il s'accroche. Monet peint. Tout le temps. Il explore sans cesse les secrets de la lumière pour donner sa vision du monde à travers des oeuvres qui changea le regard de la peinture du XIXe siècle.
Ce roman graphique est un hommage subtil dont les touches de peinture offrent au lecteur une lecture intéressante des oeuvres de Monet. Jeu de miroirs, mises en scène autour de la vie du peintre, chaque case est elle-même tableau pour raconter l'atmosphère d'une époque et la quête éternelle de la lumière.
Du grand art.
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Voici une biographie introspective du peintre depuis ses débuts qui a tout pour séduire non seulement les amoureux de ce peintre, mais aussi tous ceux qui voudraient s'initier à la naissance de l'impressionnisme en ceci qu'elle pointe une époque où une certaine vision de l'art bascule vers autre chose.

Les dessins de Efa sont magnifiques et traduisent merveilleusement l'univers visuel de Monet. Quant au choix des toiles, on sent qu'il a été fait avec soin, que rien n'a été laissé au hasard, au contraire, sa pertinence accompagne et soutien bien le propos tout au long de l'histoire.

J'ai tout particulièrement apprécié la petite vingtaine de pages qui suit ce roman graphique dans lesquelles Salva Rubio livre les sources de leur inspiration et éclaire leur démarche et leurs choix, nous apporte quelques précisions ou anecdotes ; ceci nous amène à apprécier davantage encore ce roman graphique, en tout cas pour ma part à saluer leur travail et leur art.
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