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Critique de le_Bison


Avant de chausser les crampons et crapahuter les chemins de campagne, avant même de prendre la décision de quitter le confort douillet de mon canapé marron (celui-là même où je bois mes tendres binouzes et où je lis mes romans en tenue d'Adam), j'ai besoin de faire le point. Sur ma vie, sur mes envies. Mettre les idées au propre, la volonté sur papier. Savoir le pourquoi, trouver le où, réfléchir au quand et définir le comment. Un tel voyage, une telle expédition, cela ne s'improvise pas, cela nécessite mure réflexion, de nombreuses questions s'entrechoquent dans ma tête, de plus en plus lourde, il me faut une bière. C'est à ce prix-là que se font les plus grandes aventures humaines.

Remplir le sac-à-dos de choses uniquement utiles. Un marcheur professionnel saura à l'avance faire la distinction entre le futile ET l'indispensable. Je crains que pour ma part, je risque rapidement de crouler sous son poids, comme le novice que je suis. C'est que quand j'y réfléchis (et réfléchir me donne mal à la tête, sauf si je bois une bière en même temps), tout me parait essentiel : caleçons et tee-shirts, des paires de chaussettes pas trop trouées, un décapsuleur, un tire-bouchon, un recueil de nouvelles de Bukowski, un bloc-note, quelques boites de préservatifs et une paire de chaussures pas trop neuve, solide et adaptée à mon pied gauche plus large que mon sabot droit, un pack de bières – ou deux.

Bon, le sac-à-dos est une chose réglée. Après tout, je ne vais pas trop me prendre la tête pour quelques poids supplémentaires sur mes épaules, larges et musclées. D'ailleurs, une fois que j'aurais fini les canettes de bières, elles pèseront moins lourdes, une fois que les préservatifs seront usagés, ils partiront à la poubelle des déchets non recyclables ; et le sac n'en deviendra que plus léger. Maintenant, alors que la nuit tombe et que les étoiles me font des clins d'oeil, le parcours à définir : autre prise de tête, il me faut une nouvelle bière.

La question de la route est plus épineuse qu'elle n'y parait et prête à diverses interprétations. Il y a le puriste que je suis qui voudrait faire le plus long parcours qui soit. Et puis, il y a le côté pragmatisme qui me susurre à l'oreille de ne démarrer le chemin qu'à partir de la frontière espagnole. (Après tout, il y a bien des bus qui amènent les touristes aux portes de Compostelle). Ce n'est déjà pas si mal, m'entends-je dire. Coupons le saucisson en deux, si je partais de Vézelay ? Mon côté spirituel apprécie de démarrer par ce symbole, mon côté sportif est à son comble. Ok, pour le point de départ. Mais rien ne sert de partir à point, si tu ne vois pas la ligne d'arrivée (célèbre dicton récité après la troisième bière). Deux grandes routes s'offrent à moi : la version centre qui traverse les montagnes ou la version côte pour admirer le cadre sauvage et décharné du Pays Basque espagnol. Je ne demande pas aux spécialistes, il y a les pour et les contre, comme toujours, impossible à départager. Je sens que cela va se jouer à la courte-paille, à moins que… à moins que… il me faut encore une bière pour prendre cette décision.

A la quatrième bière, je deviens plus serein. La route de Saint-Jacques ne me fait plus peur. Je croise en chemin Jean-Christophe Rufin qui me parle de son Compostelle. Malgré moi, je l'écoute, je le suis, je bois ses paroles. Nous sympathisons. Il a tant à dire sur son chemin, sur cette aventure qui l'a transformé, sur les grosses teutonnes qu'il a croisé en route et sur les massages qu'elles auraient pu lui faire. Belles grosses teutonnes. Rêve ou cauchemar, il les revoit encore toutes les nuits avec leur sourire si coquin et avenant. Et moi donc. Faut oublier l'ami, je t'offre une bière ? Mon premier Rufin ne sera donc pas un roman, mais une oeuvre mi-philosophique mi-carnets de voyage. Ce n'en reste pas moins une grande expérience. Même pour raconter la banalité d'une promenade le long des autoroutes basques, entre dépôts et usines, sa plume reste belle, sa vision optimiste et son envie de partager intacte. J'ai commencé donc par Compostelle malgré moi, mais je poursuivrais certainement d'autres voies avec son écriture.
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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