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Critique de Levant


Paolo Rumiz est un journaliste italien qui ne voyage pas sans appliquer de thèmes à ses pérégrinations. Dire qu'il en fait des reportages serait un peu réducteur. Il se livre à une véritable étude sociologique des échantillons de population qu'il rencontre. Géographie, histoire, économie, culture, religion, tout enrichit son propos et témoigne d'une bonne culture. C'est bien documenté et relaté avec un style direct très expressif non dénué d'émotions inspirées par son sens du contact humain.

Pour trouver une frontière digne de ce nom en Europe, avec ce que cela comporte de barrières, de postes de douane et de contrôles, il faut aller justement aux confins de cette vieille Europe. Ses frontières internes ayant été balayées par la "grande tempête finale du mercantilisme". Elles sont devenues désormais aussi virtuelles que les transactions sont dématérialisées. Mais elles peuvent être aussi parfois occultées. Et ressurgiront-elles un jour pour tracer dans la douleur leurs sinuosités sur le pourtour de communautés en mal d'indépendance ? Qui sait ? Paolo Rumiz le prophétise en traversant l'Ukraine en 2008, alors que le conflit interne de ce pays n'a pas encore fait ses premières victimes. Sept ans plus tard.

Dire qu'une frontière administrative est une ligne artificielle qui méprise les affinités culturelles, religieuses ou ethniques, voire familiale, est un lieu commun. Il suffit d'observer les frontières africaines tracées à la règle pour s'en convaincre. Une frontière est la conséquence d'un curieux mélange de pulsions impérialistes et d'un protectionnisme farouche. Elle porte en elle le germe des rancoeurs et convoitises issues du seul fait de son existence. Son tracé contemporain est souvent le résultat d'un passé tumultueux. Qui peut dire si elle est stabilisée à jamais quand des nationalismes voient le jour à contre courant de la mondialisation. Paolo Rumiz analyse l'incidence de cette délimitation arbitraire dans la vie de ceux qui la côtoient, la franchissent tous les jours. Lorsqu'elle elle veut bien s'ouvrir.

De la Baltique à la Mer Noire, Paolo Rumiz a cheminé autour de la frontière séparant l'Europe de l'ex monde soviétique en compagnie de Monika Bulaj qui lui servait d'interprète. Cette frontière n'est pas seulement une séparation physique entre états. Elle trace son chemin entre le passé et le présent, le profane et le sacré, l'orient et l'occident, l'indigence et l'abondance. C'est son côté virtuel qui excite les convoitises. C'est autour d'elle que les mafias, qui ont toujours un temps d'avance, ont pris de vitesse toutes les tentatives de régulation des échanges.

Mais il est une chose qu'une frontière ne sépare jamais définitivement, ce sont les affinités culturelles, de ceux qui, au gré de ses tracasseries administratives, la traversent pour se retrouver dans leur communauté de pensée, leurs rites et traditions, leur langue.
Aux frontières de l'Europe est un ouvrage très descriptif, tant des lieux que des personnes rencontrées. Il y a de l'enrichissement culturel à la clé. Je me suis quand même parois laissé assoupir au rythme du tacatac du train sur les rails. Mais c'est globalement intéressant.
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