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Critique de Levant


Si "pour voyager il ne sert à rien de quitter son fauteuil, qu'il suffit de lire des livres", en voici un tout indiqué. Le candidat au périple se laissera embarquer avec enthousiasme dans la vieille guimbarde de Paolo Rumiz pour franchir cols et vallées, puisque c'est celui que propose ce voyageur impénitent dans son dernier ouvrage. Voyage à thème, comme ce journaliste italien à la plume experte les affectionne, pour dépeindre personnages et paysages de rencontre.

Le thème de la légende des montagnes qui naviguent, c'est la quête de l'authentique. Thème qu'on pourrait d'ailleurs appliquer à plusieurs des ouvrages de ce reporter qui n'avait pas craint en d'autre temps d'affronter le danger des zones de guerre et témoigner des comportements humains, entre héroïsme et exactions.

L'authentique, ce vieux fonds d'humanité, ne se trouve certes pas dans le tumulte de la civilisation urbaine moderne où des zombis connectés - on ne sait trop à quoi ou à qui, eux-mêmes le savent-ils quand ce n'est certainement plus avec leur vis-à-vis - évaluent le degré de bonheur à leur pouvoir d'achat. L'authentique, Paolo Rumiz va le chercher dans le visage sillonné de rides, le regard pénétrant de ceux qui ont choisi de s'accrocher au flanc de la montagne, de bavarder avec les marmottes et faire croire que la montagne vit encore en dehors des stations surpeuplées, quand la neige qui se fait parfois désirer, réchauffement climatique oblige, veut bien leur autoriser le frisson de la glisse.

La légende des montagnes qui naviguent est un récit de voyage. 8000 km au travers des Alpes. Il prend tour à tour des allures de fresque picturale, de roman historique, de diatribe politique ou de confidence superstitieuse quand son parcours l'entraîne dans les errements brumeux des vieilles légendes. Paolo Rumiz n'est jamais autant exaucé dans ses intentions que lorsque son étape lui donne l'occasion de rencontrer un des derniers mohicans qui, une fois la méfiance pacifiée, deviendra prolixe à lui conter la petite histoire dans la grande, du temps où le locataire de la montagne devait tirer sa subsistance de son troupeau, cohabiter avec l'ours et le loup, du temps aussi où les visées impérialistes des nations riveraines donnaient de la mouvance aux frontières.

Mais en leitmotiv de chaque chapitre, son ouvrage veut surtout être un plaidoyer écologique. Un blâme est décerné à cette espèce qui reste sourde aux avertissements que lui lance la nature meurtrie, comme par exemple la catastrophe du Vajont en 1953. Cette espèce qui s'entête dans la quête perpétuelle des plaisirs, fermant les yeux au désastre qu'elle provoque, car un "désastre qui dure des décennies ne fait pas sensation."

Seulement voilà, j'ai appris récemment un terme de vocabulaire qui me fera passer pour instruit. Ce terme c'est cinétose. Plus connu sous l'expression de mal des transports. Je vais quand même avouer pour conclure que 8000 kilomètres sur les routes de montagne, en passager d'une vieille guimbarde qui semble aller au gré des lubies de son guide, sans autre fil conducteur que faire admirer le paysage et dire leur nostalgie aux vieux qui déplorent le bon temps d'avant, ça peut faire languir le fond de la botte italienne. Là où se termine le voyage. 460 pages d'un parcours erratique dans les lacets des routes de montagne, cela aurait mérité quelques raccourcis, même si l'air y est pur sous la voute étoilée. Une carte eût aussi été la bienvenue pour se situer dans la myriade de noms de pays, de village qui émaillent ce récit. Heureusement qu'il y a "gougueule", c'est ti pas comme ça que vous l'appelez celui qui dirige vot' vie maintenant à vous autres qui êtes connectés dans la vallée ?
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