Les maux ne savent seuls venir ;
Tout ce qui m’était à venir
M’est advenu.
Que sont mes amis devenus
Que j’avais de si près tenus
Et tant aimés ?
Je crois qu’ils sont trop clairsemés
Ils ne furent pas bien semés
Ils m’ont failli.
De tels amis m’ont bien trahi
Lorsque Dieu m’a assailli
De tous côtés.
N’en vit un seul en mon logis
Le vent je crois, me les a pris,
L’amour est morte.
Ce sont amis que vent emporte,
Et il ventait devant ma porte
Les emporta.
Rutebeuf (1230-1285?)
Je dois rimer d’une discorde
Qu’à Paris a semée Envie,
Chez ceux qui louent miséricorde
Et prêchent une honnête vie
Leurs discours sont remplis
De foi, de paix et de concorde,
Mais à les voir je me souviens
Que dire et faire ne s’accordent.
« [E]n la corde s’encordent cordee a trois cordons;
A l’acorde s’acordent dont nos descordé [s]ons;
La descordance acordent des max que recordons
En lor lit se de[t]ordent por ce que nos tortons.
Vous le voyez, c’est le signe
Que s’approche la venue
De l’Antéchrist :
Ils ne croient plus à la loi écrite
Dans l’évangile de Jésus-Christ
Ni à ses paroles ;
A la place du vrai, ils disent des fariboles
Et des mensonges vains et frivoles […].
Granz rois, c'il avient qu'a vos faille,
A touz ai ge failli sans faille.
Vivres me faut et est failliz;
Nuns ne me tent, nuns ne me baille.
Je touz de froit, de fain baaille,
Dont je suis mors et maubailliz.
Je suis sanz coutes et sanz liz,
N'a si povre juqu'a Sanliz.
Sire, si ne sai quel part aille.
Mes costeiz connoit le pailliz,
Et liz de paille n'est pas liz,
Et en mon lit n'a fors la paille.
-LA PAUVRETE DE RUTEBEUF-
Pour combler de joie
Les gens qui me haïssent à mort,
J’ai épousé une femme
Que je suis seul capable d’aimer et d’apprécier,
Et qui était pauvre et misérable
Quand je l’ai épousée.
Quel beau mariage,
Car je suis maintenant aussi pauvre et misérable
Qu’elle !
Elle n’est même pas avenante ni belle,
Elle a cinquante ans dans sa corbeille,
Elle est maigre et sèche :
Je n’ai pas peur qu’elle me trompe.
-LE MARIAGE DE RUTEBEUF-
Mes autres amis se sont gâtés :
Je les envoie à la poubelle de Maître Orri
Et les lui abandonne.
Ribaut, or estes vos a point :
Li aubre despoillent lor branches,
Et vos n'aveiz de robe point,
Si en avrez froit a vos hanches.
Queil vos fussent or li porpoint
Et li seurquot forrei a manches.
Vos aleiz en estai si joint,
Et en yver aleiz si cranche,
Vostre soleir n'ont mestier d'oint,
Vos faites de vos talons planches.
Les noires mouches vos ont point;
Or vos repoinderont les blanches.
Que sont mes amis devenus
Ceux qui m’étaient si intimes
Et si chers
Je crois qu’ils sont bien rares :
Faute de les avoir entretenus
Je les ai perdus
Car jamais tant que Dieu m’a assailli
De tous côtés,
Je n’en vis jamais un seul chez moi
Je crois que le vent les a dispersés,
L’amitié est morte
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte ;
Aussi furent-ils emportés
Si bien que jamais personne ne me consola
Ni ne m’apporta un peu de son bien
Voici la leçon que j’en tire :
Le peu qu’on a un ami le prend
Tandis qu’on se repent trop tard
D’avoir dissipé sa fortune
Pour se faire de amis
Car on ne les trouve pas décides à vous aider
En tout ou en partie […]
Je pleure ma folie
Et ma frivole vie ;
Je pleure ma folle intelligence
Et ma folle conduite
Où je m’égare trop.
-LE CHANSON DE NOTRE-DAME-