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Critique de SophieChalandre


Ce roman d'anticipation, terrible dystopie où le protagoniste n'a qu'un nom, l'employé, pour le désigner, est une formidable évocation de l'univers saccomannien : déshumanisation institutionnalisée, étouffement et écrasement d'un monde implacable et chaotique, sclérosé et désespérant, noirceur des âmes et valeurs humaines décharnées. Personne n'a de nom mais une fonction, ultime désincarnation pour s'emplir uniquement d'une étiquette socio-économique.
Guillermo Saccomanno oblige son lecteur à l'observation aigüe des protagonistes et des situations, avec un style envoûtant, précis, épuré et redoutablement efficace : la froideur mécanique concentrationnaire dans laquelle évolue l'employé hypertrophie le moindre sentiment ou ressenti, d'où une lecture quasi hypnotique et un état de malaise, accentué par les courtes précisions apportées par l'auteur évocatrices d'une actualité connue (clonage, enfants tueurs, terrorisme…), rendant ce monde apocalyptique si familier.

Pris dans un étau existentiel, professionnel, familial et social, où l'environnement est hallucinant de pression, de peur, de traitrise, de lâcheté, d'aliénation et de violence, l'employé doit choisir entre confort d'une routine vide de sens, faisant de lui un soldat du quotidien, et échappée belle. Cette évasion ne peut être que sentimentale, dernier recoin de valeurs sauvegardées : c'est à l'intérieur de l'humain que règnent les derniers possibles, c'est bien le rêve qui est subversif parce qu'il est l'ultime danger dans un système déshumanisé.
Guillermo Saccomanno qui a connu la dictature argentine de Videla, dépeint un monde semblable au nôtre où la compétition, les comportements prédateurs et le conformisme dominent sur l'empathie : le même monde, mais poussé au bout du bout de sa logique humainement mortifère. Terrifiant comme une tragédie annoncée. Un seul bémol : un peu plus de folie et d'inventivité à ce roman, une plus grande prise de risque dans la construction, dont les thèmes ont déjà été traités en littérature, auraient fait de ce récit un livre culte.
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