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Critique de gerardmuller


Juliette ou les prospérités du vice / Volume I /Marquis de Sade
Justine, et Juliette la narratrice alors âgée de treize ans, furent élevées au couvent de Panthemont, un lieu réputé pour abriter de belles filles libertines. Leur amie Euphrosine âgée de quinze ans et une religieuse du nom de Delbène furent les initiatrices des premiers principes d'une morale libertine qui les corrompit rapidement. Mme Delbène âgée de trente ans était d'une beauté stupéfiante. Entrée au cloître à l'âge de douze ans, elle était encore enfermée lorsque les passions commencèrent à travailler son corps.
La volupté étant, chez les femmes recluses, l'unique mobile de leur intimité, ce n'était pas la vertu qui les liait et dès l'âge de neuf ans elles avaient accoutumé leurs doigts à répondre aux désirs de leur tête. Et Mme Delbène d'enseigner à Juliette, qui vient d'arriver chez elle où se trouve déjà Euphrosine, toutes deux pratiquement nues par ce beau jour ensoleillé, que la pudeur, unique résultat des moeurs et de l'éducation, est une chimère. Certaines vertus n'ont d'autres berceau que l'oubli total des lois de la nature ajoute Mme Delbène, maîtresse tribade, qui invite alors Juliette à se déshabiller. On imagine la suite de ces caresses de femmes belles comme Vénus aux confins de la lubricité.
Avide de nouveauté et attirée par les hommes, Euphrosine disparaît alors que Juliette et Mme Delbène aspirent davantage à la félicité des plaisirs délicieux que les femmes se procurent entre elles. Au diable les conventions absurdes et les sots qui veulent s'y soumettre ! Au diable les exhortations de son entourage qui enjoignent à Juliette de s'éloigner de Mme Delbène. Il faut dire que la Supérieure a une conception de la morale très personnelle, basée sur la conscience, qui pour elle est une voix intérieure qui s'élève en nous à l'infraction d'une chose défendue, cette conscience n'étant l'ouvrage que du préjugé reçu par l'éducation, tant et si bien que ce que l'on interdit à l'enfant lui cause du remords dès qu'il l'enfreint, et qu'il conserve ce remords jusqu'à ce que le préjugé vaincu lui ai démontré qu'il n'y avait aucun mal réel dans la chose défendue ! Elle explique à Juliette en un long exposé que la véritable sagesse consiste à se livrer à ses vices avec précautions.
C'est alors que Mme Delbène organise une assemblée luxurieuse à six, quatre très jeunes nonnes âgées de treize à vingt ans venant rejoindre les deux comparses, pour une partie friponne et des plus libertines dont je passe les détails largement explicités dans le texte.
Après quoi, Mme Delbène se livre avec Juliette à un exposé sur la nature de Dieu et les longues digressions philosophiques se succèdent évoquant les croyances des uns et des autres et les religions, la conscience et la raison, la perception et la causalité, les rapports entre le corps et l'âme, la nature de l'âme si elle existe. Et de conclure que c'est sur un pareil tas d'absurdités conjecturales que l'on bâtit l'opinion merveilleuse de l'immortalité de l'âme !
« de toutes les religions établies parmi les hommes, il n'en est aucune qui puisse légitimement l'emporter sur l'autre ; pas une qui ne soit remplie de fables, de mensonges, de perversités, et qui n'offre à la fois les dangers les plus imminents, à côté des contradictions les plus palpables… Que de théologiens sont d'étranges raisonneurs ! Dès qu'ils ne peuvent deviner les causes naturelles des choses, ils inventent des causes surnaturelles, ils imaginent des esprits, des dieux, des causes occultes, des agents inexplicables…»
Et Mme Delbène d'entretenir longuement Juliette du néant de l'existence de Dieu et de celui du dogme de l'immortalité de l'âme.
Puis elle se livre à un plaidoyer philosophique contre la chasteté et pour l'adultère : il convient de se défaire de tous les préjugés sur le sujet des lubriques écarts !
« Nous allumâmes bientôt le feu des passions au flambeau de la philosophie… Il est aussi ridicule de dire que la chasteté est une vertu, qu'il serait de prétendre que c'en est une de se priver de nourriture…La chasteté n'est qu'une mode de convention dont la première origine ne fut qu'un raffinement du libertinage. »
Pour Delbène par ailleurs, une putain est une créature aimable, jeune, voluptueuse, qui sacrifiant sa réputation au bonheur des autres, mérite rien que par cela des éloges.
Et un autre plaidoyer contre le mariage suit avant que soit évoqué l'art de tromper son mari.
Plus tard, Delbène organise la défloration de la toute jeune Laurette et c'est Juliette, destinée à jouer le rôle de grand prêtre, qui est préposée au revêtement du membre postiche qui doit oeuvrer, aidée en cela d'une troupe de tribades délurées. Fait suite une bacchanale dînatoire des plus torrides.
La fête finie, l'infortune s'abat sur la famille de Juliette et de sa soeur Justine, si bien que Juliette et Justine doivent se séparer de Delbène et trouver de quoi survivre. Elles vont confier leur corps à Mme Duvergier, une maîtresse femme qui a des relations et organise de chaudes rencontres, entreprenant des choses que n'eussent jamais imitées ses compagnes, et qui faisaient à la fois frémir la nature et l'humanité. Et Mme Duvergier a parmi ses relations l'archevêque de Lyon qui a un penchant pour les petites de quinze ans mais dont, sectateur de Sodome, il use sans les déflorer au cas où. Juliette sera sa première victime et sera dévolue désormais à cette pratique de soumission avant de faire connaissance du couple Noirceuil dont le sinistre mari, un insigne libertin, a la terrible réputation d'homme « à tout faire » sous les yeux de sa femme, pauvre créature cruellement humiliée.
Avec un certain Dorval qui leur fait l'apologie du vol en considérant que les inégalités régnant dans le sociétés incitent au vol, Juliette et sa comparse Fatime se livre à des ébats visant à dévaliser les récipiendaires de caresses en tout genre.
« Si le fort a l'air de troubler l'ordre en volant celui qui est au dessous de lui, le faible le rétablit en volant ses supérieurs, et tous les deux servent la nature…La France n'était qu'un vaste repaire de voleurs sous le régime féodal… » ( !)
« Ce n'est pas le nécessaire qui rend riche, c'est le superflu ; on n'est riche, on n'est heureux que de ce superflu… » et mes vols me le donnent ajoute Dorval !! « Celui qui n'a que ce qu'il faut à ses besoins est pauvre. » conclut-il !
S'en suit un nouveau débat philosophique sur la vertu et le vice. Pour le narrateur, la vertu n'est dans l'homme que le second mouvement car il est incontestable que le premier qui existe en lui est l'envie de faire son bonheur au dépens de n'importe qui. En vérité, la vertu n'est que le résultat d'un asservissement à des lois qui varient de climat en climat et si le méchant respecte la vertu, c'est qu'elle lui sert. Ainsi si la vertu est jouissance, elle est vicieuse, car quelle différence d'émotion y a t il entre les plaisirs que donne la vertu et ceux procurés par le vice ?
Toujours au sujet de la vertu, il apparaît clairement qu'il y a danger à vouloir être vertueux dans un siècle corrompu et il vaut absolument mieux être vicieux avec tout le monde que d'être un honnête homme tout seul !
Juliette découvre que Noirceuil est encore plus monstrueux que ce qu'elle imaginait et ne l'aime que davantage si bien que Noirceuil lui offre le logis afin qu'elle règne sur la maison et soumette sa femme.
Mme Duvergier que Juliette vient consulter avant de rejoindre Noirceuil, lui donne quelques judicieux conseils et lui fait comprendre que les écarts les plus effrénés et les plus multipliés du libertinage, n'enlèvent rien à la délicatesse de l'amour. En règle générale, les lois doivent nous servir d'abri, jamais de frein : c'est la devise de Noirceuil qui donne des leçons de morale à Juliette à sa façon dans laquelle la débauche et le crime sont encensés. Et Juliette de répondre que plus de crimes Noiceuil dévoilera à ses yeux, plus d'encens il obtiendra de son coeur.
Accusée de vol dans des circonstances troubles, Juliette se retrouve en prison mais pas pour longtemps car Noirceuil a aussi le bras long et la faisant sortir compte bien lui rappeler à sa manière que la reconnaissance, c'est le sentiment du retour accordé à un bienfait. Il lui fait clairement comprendre que c'est pour lui seul qu'il agit en lui brisant ses liens, et non pas pour elle. Mais habilement, Noirceuil pour exprimer sa reconnaissance au ministre, conseille à Juliette d'en répandre les effets sur le ministre et non sur lui-même. Entièrement soumise, Juliette acquiesce. Riche à présent et voluptueusement installée dans son appartement, Juliette se jure que désormais ses égarements seront ses seuls dieux, ses uniques principes et ses lois.


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