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Critique de andman


Cette nouvelle publication de « L'Ancêtre » (ISBN 9782370550101) a été réalisée en janvier 2014 par La maison d'éditions le Tripode.
Le dessin de couverture, absolument superbe, a été conçu par le jeune artiste argentin Nicolás Arispe. Il représente des enfants indiens en rang, l'un derrière l'autre, dans un jeu ancestral au milieu des roseaux.

J'ai mis hier, par inadvertance, la critique de « L'Ancêtre » sous une ancienne édition. Il me faut donc réparer cette étourderie d'autant plus que ce livre magnifique m'a été offert dans le cadre de l'opération Masse Critique.

Voici donc, avec mes excuses, cette critique à la bonne place !

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Le 16e siècle, dans sa soif de découvrir le Nouveau Monde, a été le théâtre de destins les plus invraisemblables.
Né orphelin au début de cette période d'explorations maritimes, le narrateur de ''L'Ancêtre'' fait partie de ces individus au parcours de vie peu banal. Au soir de son existence, à la lueur de la chandelle, il se remémore son passé.

Enfant des rues, il embarque à quinze ans comme mousse à bord du vaisseau amiral d'une flottille espagnole composée de trois galions.
Après des mois de mer interminables pendant lesquels le jeune matelot est plus souvent qu'à son tour victime des instincts primaires de l'équipage, le voici débarquant avec une dizaine d'hommes sur le rivage d'une contrée sauvage située à l'embouchure d'un fleuve.

C'est la mort que le petit groupe, parti en reconnaissance, va trouver au bout de son expédition pédestre : une centaine d'hommes nus lui barrent soudain le passage et transpercent de flèches les compagnons du moussaillon. Les autochtones non seulement kidnappent celui-ci mais se saisissent également des cadavres avant de disparaître au pas de course dans les profondeurs de la forêt.

On a peine à imaginer l'effroi de l'adolescent se retrouvant le lendemain au coeur d'une tribu anthropophage !
Une fois l'an, les indiens s'adonnent à un rituel festif abominable. Tout le village est en effervescence : les corps décapités des espagnols rôtissent par morceaux au-dessus de braises et des grandes jarres, remplies d'eau de vie, sont disposées à proximité de l'immense barbecue. Les ripailles durent jusque tard dans la nuit et se terminent en orgie géante où jeunes et moins jeunes s'accouplent au petit bonheur la chance…

Notre mousse déambule à sa guise dans le village en délire et sa perplexité monte encore d'un cran lorsqu'il se voit proposer avec tact et délicatesse du poisson grillé.
Assembler les mots anthropophagie et hospitalité a un côté antithétique à vous donner froid dans le dos ; le jeune mousse va pourtant s'acclimater à sa nouvelle vie. Il règne en effet au sein de cette tribu primitive un esprit communautaire fait de tolérance et de profond respect d'autrui ; c'est précisément ce dont est privé l'adolescent depuis le plus jeune âge !

J'ai dévoré, si je puis dire, ces écrits ô combien dépaysants et captivants de l'écrivain argentin Juan José Saer, inspirés d'une histoire réelle.
Tantôt une considération philosophique, tantôt une description de la nature teintée de poésie, contrebalancent les scènes de cruauté si bien que le lecteur, en empathie avec le narrateur, n'est jamais déstabilisé ni même mal à l'aise.
Roman historique, fable universelle, essai philosophique, ''L'Ancêtre'' est un livre bien singulier, difficilement oubliable. La grande qualité de la traduction de Laure Bataillon, primée en 1988, participe à la magie de cette oeuvre.

Voici tout juste cinq siècles l'Occident, dans son avidité colonisatrice, a passé par pertes et profits bon nombre de tribus primitives du Nouveau Monde. Leur disparition, tragique pour l'humanité, est admirablement mise en lumière dans ''L'Ancêtre''.

Un grand merci aux Responsables de l'opération Masse Critique pour m'avoir convié à ce festin littéraire si particulier !
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