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Critique de Lamifranz


Entre 1935 et 1942, Saint-Ex avait toujours sur lui un carnet où il notait ses impressions, soit sur ce qu'il était en train de faire ou de vivre, soit sur des projets d'écriture, soit encore sur des sujets généraux : un agenda et cinq carnets sont parvenus à nous, témoignages de la pensée de l'auteur, non pas pensée « assise », cogitée et dûment exprimée, mais pensée en train de se former, pensée agissante, matière brute, matière vivante.
Il ne faut donc pas chercher ici une cohérence, ni un ordre de pensée : tout ici est transitoire, destiné plus tard à être repris dans une ouvre (ou pas). En même temps c'est le témoignage le plus direct qu'on puisse avoir sur ce que pense l'auteur à un moment précis : par exemple, lors d'un reportage sur la guerre d'Espagne, il se révolte contre les Espagnols qui saccagent leur pays : « Car, qu'on le veuille ou non, l'Espagne brûlant ses trésors d'art et vidant l'univers fermé des couvents a accordé une priorité, fût-elle d'un instant, à la stupidité sur la civilisation » ; il exprime son point de vue sur l'amour : « Il faut tout de même faire quelque chose des hommes. C'est le seul problème important : d'abord celui des relations humaines. Et parlant de charité et d'universel, j'ai oublié le plus important : l'amour » ; Dieu, son existence (ou pas) revient souvent dans ses propos : « Je suis épouvanté de la difficulté à faire dériver l'autorité d'autre chose que de Dieu. On ensemence par le haut », ou encore « Que m'importe que Dieu n'existe pas ! Dieu donne à l'homme de la divinité ». le scientifique qu'il a été et qu'il est encore, est toujours sensible aux problèmes de logique : « La vérité n'est pas ce qui est démontré plus ou moins bien, mais ce qui est plus ou moins efficace sans considération de réalité. Rien n'est en soi vrai ni faux ».
Ainsi tous les grands domaines de la vie intellectuelle sont abordés, non pas les uns après les autres mais au fil de l'eau, de l'inspiration, des conversations : d'abord l'homme, ce qu'il y a autour de lui et ce qu'il y a en lui, ce dont il est capable, en bien comme en mal, la façon dont il s'exprime (le langage et ses arcanes), le raisonnement et ses méandres (permanence de la logique), Dieu et la divinité au coeur des affaires humaines, la civilisation dans tous ses états (religion, politique, barbarie, tolérance)…
Le tout considéré et exprimé tout de go par un homme sensible, attentif et surtout curieux et profond : un homme dont le travail principal est de chercher des réponses.
On comprend bien que ce n'est pas un roman : la lecture de cet ouvrage ne peut pas être linéaire : l'éditeur a regroupé les textes par ordre chronologique, ce qui donne une certaine progression, mais il faut lire à petite dose ces aphorismes, et sans doute les relire pour en extraire la « substantifique moelle ». D'autant plus que le style, qui n'a pas été corrigé, est souvent « télégraphique », et ne reflète pas toujours de façon cohérente la pensée de l'auteur.
Pierre Chevrier (Nelly de Vogüé) fut une amie (très) personnelle de Saint-Ex, et un de ses exécuteurs testamentaires : c'est elle qui est à l'origine de l'édition de ces « Carnets », qu'elle a préfacés :
« Ce qui surprend dans ces « Carnets », c'est le grand éclectisme de ses pensées. Curieux de tout, Saint-Exupéry est à l'image de l'humaniste de la Renaissance, du gentilhomme du XVIIème (siècle), capable de s'intéresser autant à la mécanique qu'à la littérature, à la physique qu'il maîtrise parfaitement qu'à l'économie qu'il analyse avec brio… Ces Carnets nous dévoilent la richesse intellectuelle que développait dans l'ombre un homme épris de langage et de liberté ».
What else ?

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