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Critique de Presence


Ce tome fait suite au tome 6 (épisodes 25 à 31 et Critters 38) qu'il n'est pas indispensable d'avoir lu. Néanmoins comme cette série met en scène des personnages récurrents, le lecteur les apprécie d'autant plus s'il a appris à les connaitre en commençant la série par le premier tome. le présent volume contient les épisodes 32 à 38, ainsi qu'une histoire contenue dans Critters 38, initialement parus en 1992/1993, tous écrits, dessinés et encrés par Stan Sakai qui réalise également le lettrage. Cette série est en noir & blanc. L'édition VO bénéficie d'une introduction rédigée par Sergio Aragonès, le créateur de Groo et un collaborateur à MAD (voir MAD Auteur, Sergio Aragonès. Il s'agit de 2 pages de texte, analysant avec précision et sensibilité ce qui fait les qualités de cette série. Comme les tomes précédents, celui-ci comprend plusieurs histoires indépendantes.

(1) Miyamoto Usagi arrive dans une nouvelle ville et regarde une femme appelée Kitsune réaliser des tours avec une toupie (koma), en tant qu'artiste de rue pour récolter quelques pièces. Par un concours de circonstances, il se retrouve à assurer la fonction de garde du corps pour Hatsu, un joueur professionnel. (2) Enfant, Miyamoto Usagi apprend une nouvelle leçon auprès de son maître Katsuichi. (3) Miyamoto Usagi arrive de nuit dans un nouveau village, et il y entend un cri à fendre l'âme sans pouvoir savoir d'où il provient. À l'auberge, un client lui propose de venir prendre un verre chez lui et lui raconte l'histoire du général Tadaoka, mort tué par un soldat sur la place du village et revenant le hanter. (4) Après la défaite de la bataille d'Adachi-Agahara, Miyamoto Musachi a fui dans la forêt avoisinante, et a trouvé refuge dans la masure d'une vieille femme.

(5) Miayamoto Usagi retrouve Murakami Gennosuke dans une fâcheuse posture sur un chemin dans la forêt. Il le tire d'embarras et ensemble ils parviennent au village suivant. Sur place, pendant que Gennosuke se repose, Usagi fait la connaissance de Dame Asano du clan Shirogeta, et de son assistant. Il s'agit de 2 mendiants. Usagi leur offre le repas, et Dame Asagi lui raconte les circonstances de l'assassinat de son mari et comment elle a fini par se mettre sur la route de la vengeance, il y a de cela plusieurs années. Il finit par apparaître que cette histoire a un lien direct avec Gennosuke. (6) Dans le village suivant, Usagi et Gennosuke retrouvent Kitsune réalisant un autre tour avec des toupies pour récolter de l'argent. Après sa représentation de rue, elle leur indique qu'elle détient par mégarde une lettre évoquant un projet de rébellion dans la région. (7) Usagi et Gennosuke progressent sur un étroit sentier de montagne. Ils se retrouvent coincés par un petit groupe de pillards. Après leur avoir échappé, ils trouvent refuge dans une masure dans les bois, où se trouvent Zato-Ino et sa femme. le premier est à l'article de la mort, du fait d'une pointe de flèche fichée dans son corps.

Arrivé au septième tome de la série, le lecteur se fait déjà une idée assez précise de ce qu'il va trouver : Miyamoto Usagi vagabondant de village en village et se retrouvant à intervenir dans des situations conflictuelles contre des individus abusant de leur position d'autorité ou de leur force, et parfois devant se battre contre des créatures surnaturelles. Il sait aussi qu'il va pouvoir replonger dans ce Japon médiéval et croiser des individus dont il va prendre plaisir à faire connaissance. Il en est ainsi de Kitsune, charmante femme, très capable de se débrouiller par elle-même. Effectivement elle réapparaîtra par la suite dans d'autres épisodes. Fidèle à son approche graphique, Stan Sakai lui donne une apparence anthropomorphique, avec une tête évoquant celle d'un renard, ce qui correspond bien à la traduction de son nom (Kitsune = renard, en japonais). le lecteur a le plaisir de découvrir une jeune femme souriante et agréable, enjouée, et loin d'être unidimensionnelle. Fidèle à son habitude, l'auteur présente simplement un personnage qui échappe au simplisme. En effet, Kitsune vit de ses spectacles de rue, bien insuffisants pour lui fournir assez d'argent pour vivre. Elle complète ses revenus grâce à ses talents de pickpocket, sans discrimination quant à ses victimes, sans éprouver de remords car il faut bien qu'une femme puisse vivre.

Le lecteur est à nouveau subjugué par la facilité avec laquelle l'artiste donne vie à ses personnages. Dès le premier sourire de ce visage aux traits simplistes, à la forme de tête improbable, il est sous le charme de cette voleuse qui joue admirablement avec l'absence de méfiance des individus mâles qui la croisent. Il n'y a pas de sous-entendu d'ordre sexuel, mais le lecteur comprend bien que Gennosuke est très sensible à son charme. le lecteur revoit passer quelques personnages pour lesquels il se rend compte qu'il a développé un attachement plus ou moins grand, qu'il s'agisse de la figure paternelle qu'est Katsuichi, ou des apparitions récurrentes du coupe de paysans coupeurs de bois, ou encore de la jeune épouse de Zato-Ino. Les personnages secondaires ou n'existant que le temps d'un épisode s'avèrent tout aussi présents et vivants. le lecteur n'est pas prêt d'oublier la détermination digne de Dame Asano pour venger le meurtre de son mari, l'inquiétude du joueur Hatsu, se rendant compte que ses magouilles l'ont placé face à plus fort que lui, le valeureux général Tadaoka souhaitant mourir dignement, ou encore le marchand d'huile Aburagé, très content de ses affaires. le dessinateur a l'art et la manière de les représenter dans des gestes naturels qui accompagnent leur humeur, qui sont en phase avec leur état d'esprit, sans avoir à recourir à une pantomime exagérée.

Au cours de l'histoire la plus longue, le lecteur en apprend plus sur Murakami Gennosuke, son enfance et ce qui l'a endurci. À nouveau, Stan Sakai présente l'histoire personnelle d'un des personnages secondaires de la série, permettant au lecteur de faire plus ample connaissance avec lui. À cette occasion, le lecteur se rend compte que les traits de caractère de Gennosuke se sont développés en cohérence avec son histoire personnelle, avec son éducation, en réaction au comportement des adultes qui l'entouraient, en l'occurrence son père. Comme d'habitude, le lecteur a du mal à croire qu'il a totalement oublié qu'il regardait des individus à tête d'animaux, dessinés de manière simple, au vu de la richesse de leur personnalité, de leur passé, des nuances dans leurs relations interpersonnelles. La forme des dessins semble destiner ces histoires à un jeune public, mais leur sensibilité en fait des histoires vraiment tout public avec des situations nuancées, dépourvues de manichéisme. Néanmoins en ce qui concerne le cas particulier de l'histoire personnelle de Murakami Gennosuke, elle apparaît un peu plus dramatisée que d'habitude, forçant un peu sur le destin et la tragédie.

Au fil de ces 7 histoires, le lecteur reconnaît bien le dispositif très rôdé de Miyamoto Usagi arrivant dans un nouveau village, pour être confronté à une nouvelle situation conflictuelle. Néanmoins, Stan Sakai alterne régulièrement avec des récits d'un autre genre, parfois plus court, comme un nouvel apprentissage auprès de maître Katsuichi, un nouveau conte avec une créature surnaturelle, ou encore la dernière histoire de Zato-Ino. Il n'y a donc pas de forme de répétition systématique. En outre, les dessins de Stan Sakai n'ont rien perdu de leur capacité de dépaysement. le lecteur prend toujours autant plaisir à marcher à ses côtés sur les chemins, et les routes, à travers bois ou dans des espaces dégagés. Il éprouve la sensation de voir chaque nouveau village chaque nouvelle ville par les yeux d'Usagi, prenant plaisir à observer ce qui les rend uniques. Avec le recul, il apparaît que l'auteur porte toujours un regard bienveillant sur une humanité vaquant à ses occupations, en y éprouvant un plaisir simple et sans arrière-pensée. Comme à son habitude, Sakai prend soin de respecter l'architecture des bâtiments des maisons de l'époque, ainsi que la forme simple des villes. En variant les emplacements des bâtiments, la taille des villages et le moment de la journée, il donne l'impression au lecteur de toujours arriver dans un endroit différent. Même si les tenues vestimentaires se composent souvent des mêmes pièces, elles sont toutes différentes. Il y a bien sûr celles féminines et celles masculines, mais aussi celles réservées aux élites militaires, les armures de combat, les tenues d'apparat, etc.

Comme à son habitude, Stan Sakai édulcore visuellement les blessures pendant les combats, malgré l'usage d'armes blanches. Les plaies restent hors cadre, et il est très rare de voir le sang couler. Cela n'empêche pas les affrontements physiques d'être prenants et plein de suspense, grâce à leur mise en scène. Il n'y a que quand Usagi ou Gennosuke fonce dans le tas d'un groupe d'ennemi que la narration visuelle passe en mode exagéré, le personnage se lance l'épée tenue haut au milieu du groupe d'ennemis, de façon peu réaliste, dans une scénographie plutôt associée aux dessins animés pour enfants. de temps à autre, le lecteur peut observer que le dessinateur modifie sa manière d'encrer, optant pour des traits plus secs, en particulier lorsqu'il s'agit de scènes se déroulant dans le passé, par exemple dans l'histoire du général Tadaoka. Cela confère une forme plus râpeuse à la narration, mais pas plus crédible ou plus intense.

Par la force des choses, le lecteur peut ressentir plus ou moins d'intérêt pour certaines histoires dans cette série au long cours, 31 tomes au compteur en 2017. Celui-ci présente toutes les qualités habituelles de la série : personnages complexes et attachants (avec une mention spéciale pour Kitsune), intrigues variées même si plusieurs partent du même point de départ (arrivée de Miyamoto Usagi dans un village), dessins faciles à lire tout en donnant vie aux personnages et en plongeant le lecteur dans ce Japon médiéval, combats brutaux en action, mais pas en images. En fonction de sa sensibilité pour Murakami Gennosuke, le lecteur peut se sentir plus ou moins impliqué dans son histoire personnelle. 5 étoiles s'il se prend au jeu, 4 étoiles sinon.
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