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Critique de Zippo


Nous possédons peu de témoignages directs de la Shoah par balles qui se déroula en Europe de l'Est à partir de juin 1941 dans le sillage de l'attaque de l'URSS par l'Allemagne nazie.
Kazimierz Sakowicz, journaliste polonais catholique, résidant à Polany en Lithuanie à côté du site où 70000 Juifs furent massacrés, nous a laissé un témoignage des plus précieux sur ce drame. Par prudence il cacha son journal dans des bouteilles enterrées dans son jardin qui furent trouvées après guerre.

Kazimierz Sakowicz est mort en 1944, très certainement assassiné.

Ce bouleversant témoignage est traduit et édité pour la première fois par Alexandra Laignel-Lavastine.
"Cette chronique unique en son genre, écrit elle dans sa préface, constitue une terrible preuve à charges contre les nationalistes lithuaniens, et eux seuls, qui s'acquittaient du massacre des Juifs au bord des fosses." .
Elle précise par ailleurs que très majoritairement les Lithuaniens haïssaient les Juifs. Elle nous rappelle d'ailleurs que les violences contre ceux-ci commencèrent dès avant l'arrivée des Allemands sous forme de pogroms.

Des sommets d'horreur sont atteints dans la description des exécutions. Hommes, femmes, enfants, vieillards. Des nouveaux nés jetés vivants dans les fosses pour économiser les munitions. Des femmes, dénudées, violées et battues à mort.
Les Einsatzgruppen, unités allemandes dont le "travail" est de massacrer les Juifs dans les territoires de l'Est occupés par les troupes allemandes supervisent ces ignominies...

L'infâmie continue avec une population lithuanienne qui organise un trafic avec les effets, bijoux et autres biens trouvés sur les victimes.

Un livret de photos des plus révélatrices figure dans cet ouvrage.

"Depuis le matin, près du carrefour, se tient un marché où les "marchands" vendent des affaires des victimes assassinées la veille. Ils en attendent de nouvelles et sont optimistes."
Ce "commerce" implique très majoritairement la population locale.
Il n'y a quasiment pas de solidarité avec les victimes juives...
Les autorités lithuaniennes, quatre-vingt ans après les faits, nient la réalité en faisant preuve de mauvaise foi. Et le sommet dans l'ignoble : elles transforment les bourreaux en héros..."Jonas Noreika, exécuté en 1947 pour avoir, entre autres, orchestré de son propre chef le massacre de 1800 Juifs de Plunge, tous tués avant l'arrivée des Allemands. En 1997, ce boucher fut tranquillement fait, à titre posthume, Chevalier de l'Ordre de la croix de Vytis, une des plus hautes distinctions de l'Etat lithuanien."
"Et gare aux esprits qui contestent trop ouvertement les choix historiographico-politiques officiels. Une loi votée en 2010 criminalise en effet toute remise en question de l'approche adoptée par l'Etat lithuanien en matière mémorielle, une contestation passible de deux ans de prison...C'est ainsi que le documentariste Saulius Berzinis - qui avait travaillé à l'archivage de témoignages vidéo de survivants de la Shoah, mais aussi de collaborateurs locaux - recevra dans la foulée de cette nouvelle législation un courrier de la Brigade criminelle l'informant qu'il était sous le coup d'une enquête pour avoir insulté la mémoire de combattants nationalistes lithuaniens, dont précisément, Jonas Noreika !"

Un livre absolument nécessaire.

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