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Critique de Enroute


Les difficultés de l'insinuation des thèses de la philosophie analytique en France viendraient de la trop grande influence de Bergson et Brunschvicg dans la première partie du XXème siècle et des reprises lumineuses de Sartre et Merleau-Ponty des principes de la phénoménologie allemande à l'exemple de Levinas dans l'après-guerre.

Enchaînant immédiatement, Deleuze, Derrida, Foucault et Lyotard font irruption au cours de la décennie 1960-70 et entreprennent une cassure dans la tradition philosophique qui n'est pas sans rappeler celle réalisée par Frege et Russell en leur temps - l'espace intellectuel reste saturé. Aujourd'hui, si la philosophie analytique semble avoir gagné le monde, un pays d'irrésistibles gaulois résiste encore et toujours à l'envahisseur. Il n'est peut-être ni justifié, ni souhaitable que la situation se maintienne.

Il se trouve que la cassure des années 60-70 n'a pas fait que du bien à l'espace philosophique français en préférant la subversion à la recherche de vérité et l'engagement politique de principe à la pratique philosophique. de son côté, la philosophie analytique qui s'est beaucoup inspirée des mathématiques aurait conservé à un niveau plus important sa recherche de vérité. Néanmoins, lui laisser le monopole de l'épistémologie, ce serait abandonner définitivement la question du sujet qu'elle se refuse de prendre en charge au bénéfice d'une conception réaliste de l'existence.

De fait, assumer l'héritage boiteux des années 60 pourrait se faire en refusant de verser dans les facilités de la gloire au dépend de la vérité et en refusant l'adoption des postures et du langage politiques. Car l'approche globale et généraliste de la veine française de la philosophie apporte ce que le réductionnisme analytique élude, à savoir la relation entre la vérité et le monde humain, la bienveillance à l'égard de la nature humaine, le souci de servir l'humanité plutôt que les choses.

Le renouveau de la philophique française passerait donc par la digestion de Frege, Russel, Quine et Davidson comme ont été digéré Kant, Hegel, Husserl et Heidegger en leur temps. Les béquilles dans ce programme se trouvent dans les mathématiques dont les ressources françaises sont abondantes et la philosophie de l'éthique lévinassienne.

Après une introduction lumineuse et un développement passionnant, une part trop importante de l'ouvrage (1/3) sombre dans un propos confus à tendance paranoïaque et testamentaire qui dénature la brillante exposition qui précède. Mieux vaut je pense s'arrêter à la page 100.
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