Je suis tombé par hasard sur ce roman, juste avant la fermeture des librairies, la couverture et le titre m'ont intrigué, je l'ai acheté et... dévoré. A la croisée du roman noir social et du roman contemporain,
Mogok raconte la tentative d'intrusion de Bandian, tueur à gages ultra-violent, dans un petit cercle d'artistes parisiens branchés, dont il tombe sous le charme de l'une des membres, photographe. D'abord conquis par sa personnalité, ce petit monde ne va pas tarder à en être lassé et par opposer à ses efforts maladroits pour s'intégrer toutes les modalités du mépris (de classe). Bandian réagira mal, forcément, déchainant ses passions d'autant plus tristes qu'elles sont imbibées de substances illicites dans des proportions industrielles.
Mogok est une critique sociale acerbe, celle d'un certain milieu petit-bourgeois endogame, partageant des conceptions esthétiques et répudiant tout ce qui ne lui ressemble pas. Problème, Bandian est un peu la version outrée et anti-sociale de chacun d'entre-nous. Quand, Rastignac contrariés, nous aurions abandonné de façon piteuse nos rêves de gloire artistique, nous nous serions laissés moquer sans réagir, lui s'énerve, lui répond à la violence symbolique par une violence tout ce qu'il y a de plus... physique.
Mais le véritable intérêt de ce livre est peut-être à chercher ailleurs, dans la langue, la prosodie maniée par
Arnaud Salaün pour ce premier roman. Parfaitement déglingué, son livre est aussi d'une maitrise formelle formidable. Percutant, haletant, poétique, sensible et drôle à la fois, il est si bien construit qu'on ne le lâche pas !...