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Critique de LaGeekosophe


Cité à de multiples reprises comme l'une des sorties les plus marquantes de 2020, le livre de M de Peng Shepherd assume son côté OVNI littéraire. Ce qui en fait, paradoxalement, un roman compliqué à commenter et à classer. Il a cependant été très apprécié de nombreux lecteurs, certains de mes camarades blogueurs n'hésitant pas à le placer parmi les futurs classiques du genre. Pas mal pour une première, non ? Alors autant vous dire que je remercie chaleureusement Albin Michel Imaginaire de me l'avoir proposé en service presse.

Le livre de M nous plonge dans un univers post-apo qui oscille entre délicatesse et cruauté. Dans un monde où les gens perdent leurs ombres, ces derniers ont également le pouvoir de modifier la réalité pour l'adapter à leurs souvenirs partiels. le concept est ainsi nouveau pour un sous-genre, le post-apo, qui compte bien des oeuvres marquantes et dont il est parfois difficile de renouveler les codes pour y apporter du neuf. Peng Shepherd y parvient : elle nous offre un livre qui mêle la SF post-apo avec des éléments plus fantasy, ce qui rapproche le récit d'une fable plus qu'une histoire aux ressorts plus traditionnels. C'est apporté dans un premier temps par les sans-ombres, capables de modifier la réalité. Mais c'est aussi très présent car il n'y a pas d'explications précises données aux changements connus par la Terre, hormis quelques échanges sur un phénomène astronomique rarissime.

La disparition des ombres et de la mémoire permet au récit d'aborder des questions sensibles sur la relation entre les souvenirs et son identité, et de savoir ce que l'on est prêt à sacrifier pour retrouver ses proches et de souvenir de sa vie. le récit évoque ainsi des légendes qui apportent un éclairage différent à la catastrophe, plus proche de l'ésotérisme qu'autre chose. La première est celle d'une légende indienne. C'est celle de Surya, Dieu du Soleil, et de sa femme qui ne supportait pas de regarder la lumière de son époux en face et a dû se séparer de son ombre pour qu'elle se fasse passer pour elle. Ou Peter Pan, le romans de James M. Barrie, où l'on pense à cette scène où il tente de retrouver son ombre.

Peng Shepherd présente un certain nombre de personnages pour un casting varié. J'ai en effet plutôt apprécié l'ensemble d'entre eux, en particulier Max et Ce qui Rassemble. La première est une jeune femme qui se rattache au souvenir de son mari pour ne pas perdre la mémoire totalement. Elle s'enfuit avec un groupe de sans-ombres pour atteindre la Nouvelle-Orléans où des rumeurs prétendent que les sans-ombres peuvent guérir. Son point de vue est racontée à travers sa propre voix dans un magnétophone que lui a donné Ory. C'est un moyen narratif bien trouvé qui construit une proximité émotionnelle palpable avec la jeune femme. Celui qui rassemble est un personnage d'une grande originalité. C'est un homme devenu complètement amnésique suite à un accident de voiture, qui est utilisé dans un premier temps en comparaison avec les premiers sans-ombres. Son évolution est particulièrement intéressante.

J'ai en revanche eu un peu plus de mal avec le personnage d'Ory, qui est sans doute plus froid que le reste des personnages. Je l'ai trouvé un peu transparent et sans traits de personnalité dominant, ce qui le rend globalement très générique et difficile à cerner. Sinon, le livre est peuplé d'autres personnages marquants. Naz, le Général, Malik, Vienna... Ils sont tous bien construits de manière convaincantes et leurs luttes convergentes donnent envie de lire la suite.

Si certains sont particulièrement originaux et promettent une plume singulière dans l'imaginaire, Peng Shepherd ne se départit de certains topoï de la littérature post-apo. Cela s'explique notamment car son roman tourne autour des croyances et du mystique. Dans cet esprit, nous retrouvons donc moult cultes. Les premiers sont les Rouges, des sans-ombres qui se peignent de peinture écarlate et ont mis la main sur une bibliothèque. Sans trop spoiler, ces derniers posent la question de l'attachement. Est-ce que nous aimons toujours les choses que nous aimions une fois que nous les avons oubliés ? Comme s'il existait une seconde mémoire inscrite dans nos veines, qui tenait plus de l'instinct que du rationnel. le deuxième culte est celui des blancs. C'est un groupe de personnes qui ont toujours leur ombre cette fois, mais dont les objets de vénération sont... particuliers.

Le monde est d'ailleurs assez violent. de nombreux sans-ombres, déstabilisés, sont revenus à un état quasi animal. le livre est également un road-trip. Dans beaucoup de romans post-apos, les survivants sont en mouvement, comme si rester au même endroit représentait un danger. Cette spécificité nous permet également de voir différents paysages et différentes façons de voir comment la catastrophe affecte différentes parties des Etats-Unis. Mais cela apporte quelques longueurs en milieu de récit. En effet, je ne suis pas personnellement fan des passages de roman qui se passent pendant un voyage. J'ai toujours l'impression qu'il ne s'y passe pas grand chose.

Le livre de M est un roman véritablement surprenant ! Unique, il construit un univers à la frontière des genre, une oeuvre de science-fantasy post-apo profondément mystique et humaine. La sensation à la lecture en est profondément déconcertante. Mais l'autrice construit très bien ses personnages ! Elle met en scène une galerie très attachante qui nous pose des questions sur le sens de la mémoire et le rapport entre nos croyances, nos souvenirs et notre identité.
Lien : https://lageekosophe.com/
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