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Critique de ecceom


Une BD monstrueuse

Alack Sinner est un ancien flic devenu détective privé. Plongé dans les bas-fonds de New York, il promène son regard désabusé, sensible à l'injustice et à la misère humaine, protégeant les paumés et les perdants du système.

Ce recueil comporte 6 histoires, pas forcément liées les unes aux autres.
1. Conversation avec Joe.
Alack Sinner, raconte à Joe, le patron du bar où il écluse consciencieusement quelques verres, pourquoi il a quitté la police.
2. L'affaire Webster.
Le riche M Webster embauche Sinner pour découvrir qui cherche à lui nuire.
3. L'Affaire Filmore.
Sinner est chargé par Katty Filmore, une fille de bonne famille, de faire sortir son grand-père de la clinique où il est interné.
4. Città oscura.
Devenu chauffeur de taxi, Sinner cherche aide un docker menacé par son syndicat. Il trouve aussi l'amour. Et le perd.
5. Constancio y Manolo.
Sinner découvre que la tragédie de Guernica se vit toujours près de chez lui.
6. Souvenir.
Sinner se souvient, de sa soeur, de sa femme…

Attention, chef d'oeuvre.
(Mais qui pourra ne pas plaire.)

D'ailleurs, maintenant qu'il y a prescription, je peux bien l'avouer, j'ai allègrement ignoré cette BD du temps où je lisais Charlie Mensuel où elle paraissait.
Il y a une rédemption possible pour les foies jaunes puisque Casterman a la bonne idée de ressortir en édition économique en format A4, certains grands prix d'Angoulême, dont ce « Flic ou Privé », consacré en 1983.

Il faut dire à ma décharge que l'album ne joue pas spontanément sur le registre de la tentation. En dehors de la couverture, en couleurs, nous sommes dans le pur noir et blanc. Et le trait de Munoz est l'antichambre de l'Enfer.
Le style graphique est parfois épuré, parfois surchargé et ne facilite pas toujours le travail du lecteur. Il serait dommage de s'arrêter à ça, tant le parti-pris semble adapté.
Si on reconnait chez lui l'influence évidente d'un Pratt, qu'on pense forcément à Breccia, le dessinateur argentin se démarque de ses influences par un traitement unique : les personnages sont parfois grotesques, déformés, fantasques...Il faut s'accrocher ! Pour tout dire, je me demande si ce n'est pas White Jazz, le récit kaléidoscopique de James Ellroy qui se rapproche le plus de ce qu'est cette BD.

Le récit pourrait pourtant sembler caricatural avec un anti-héros taciturne, soignant son spleen entre alcool et jazz, le tout rythmé fréquemment par une voix off. Mais c'est sans compter sur la volonté de Sampayo et Munoz de transfigurer une narration qui pourrait être relativement classique, en quelque chose de monstrueux, greffant à la trame du Privé, des images qui sont autant de portes vers des récits comme dotés d'une vie propre, qui viennent perdre le lecteur.

Rarement le fond, c'est-à-dire une critique virulente d'une société profondément injuste et inégalitaire qui laisse sur le bord du chemin des êtres déchus, aura rencontré une forme pareille, proche de l'expressionnisme.

Une expérience.
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