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Critique de Dez54


Un ilot isolé, au plus profond de l'Atlantique sud, dans une époque mal déterminée (semble-t-il au début du XX-ème siècle), las, deux hommes luttent, armes à l'épaule, chaque nuit contre d'étranges humanoïdes amphibiens à la peau froide dans un phare aux allures de forteresse assiégée. Voilà pour le tableau. Un tableau terrible et épique qui pourrait se suffire à lui-même mais c'est surtout son envers, ce qui se cache derrière les apparences qui se révèlera le plus intéressant.

Albert Sànchez Piñol, auteur espagnol de langue catalane, reprend en 2002 les codes du huis clos, des récits fantastiques et du roman d'aventure maritime des XVIIIème et XIXème siècle pour nous raconter l'histoire d'un météorologue irlandais (ancien activiste pour l'indépendance), notre narrateur, qui se retrouve isolé pour une année dans une maisonnette sur cet ilot désert et déjà peu hospitalier avec pour seule compagnie un homme apathique, Batís Cafó, vivant dans le phare surplombant l'île.

Ce qui était déjà une retraite plutôt sinistre loin du monde, vire au cauchemar lorsque le narrateur s'aperçoit que des monstres amphibiens, étranges et menaçants humanoïdes à la peau grise et froide, tentent de pénétrer de nuit dans sa demeure. Bien vite, c'est une guerre qui s'engage entre d'un coté les deux hommes unis par la promiscuité et l'infortune et les hordes de « peaux froides ». Ces dernières s'échouent, vague après vague, chaque nuit contre les défenses des deux humains, harassant peu à peu le narrateur et son compagnon et diminuant leur réserve de munitions.

Tout cela ferait déjà un huis clos fort convenable servi par l'écriture de Sànchez Piñol, mais bien sûr, ce n'est que la partie la plus superficielle du roman. Car La peau froide, emprunte au fantastique et au roman d'aventure leurs ambiances pour mieux les pasticher et il laisse peu à peu apparaitre au lecteur ses vrais sujets : la condition et nature humaine et surtout la notion d'altérité. En effet, l'auteur nous parle de la rencontre de l'autre (et surtout de sa non-rencontre) d'empathie et de rejet. La politique n'est pas tout à fait en reste et la volonté d'indépendance de l'Irlande, évoquée en début de roman via le passé du narrateur, n'est pas sans lien avec la situation des « monstres » indigènes de l'île. Difficile également de ne pas faire un troisième parallèle avec la situation de la Catalogne chère à l'auteur.

Si j'ai peut-être trouvé le dernier tiers du livre, un brin trop explicite, j'ai beaucoup aimé ce roman. Sànchez Piñol gère magistralement le rythme de l'ouvrage et réussi à nous immerger dans l'ambiance oppressante de l'ile, dans la tête de nos héros qui se vivent comme des assiégés. Surtout, il joue avec brio sur les codes du fantastique et du roman d'aventure pour mieux les détourner. Empruntant à différents genres et à différentes époques, intéressant et très accessible, La peau froide est un excellent roman que vous pourrez aisément dévorer en quelques heures ou laisser infuser jour après jour pour mieux en apprécier l'ambiance.
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