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Critique de MarcelP


Bernard Mauprat, au crépuscule de sa vie, livre "l'histoire de (sa) vie" et sa longue confession tutoie aussi bien le récit gothique, le bildungsroman que le roman historique ou d'amour, le tout panaché de discours philosophiques, politiques et sociaux.

Dans le Berry du XVIIIe siècle finissant, deux branches de la famille Mauprat, de sinistre réputation, s'opposent : la branche aînée avec Tristan (chef du clan des "Mauprat coupe-jarret") et ses rejetons dévoyés sème la terreur -pillages, débauches et malversations- tandis que la cadette grâce aux vertus d'Hubert ("Mauprat casse-tête"), père de l'unique Edmée, n'est que droiture et bonté.

Sand nous entraîne alors dans un tourbillon d'aventures et de sensations et ce, dès la scène d'ouverture de ce roman luxuriant : on y assiste à la chevauchée nocturne de l'ignoble Tristan qui vient d'arracher son petit-fils Bernard aux siens pour l'élever dans sa sinistre demeure. La mort, la nuit, le fantastique, la peur, la forêt, ... c'est le Erlkönig de Schubert !

Quelques années plus tard, un accident de chasse conduit Edmée à la Roche-Mauprat, sur les terres de ses terribles cousins : échappant de peu à un viol programmé, la mignonne est sauvée des griffes de ses ravisseurs par Bernard. Le Chevalier Hubert accueille alors le preux jouvenceau dans son château avec comme ambition de transformer le sauvageon en gentilhomme éclairé.

Sur le long et douloureux cheminement de son éducation, Bernard pourra compter sur les leçons de vie de Patience, un sympathique cénobite, zadiste avant l'heure, du laconique Marcasse, taupeur fidèle et de l'abbé Aubert, prêtre des Lumières. Ces éveilleurs de conscience, précepteurs attentifs et bienveillants, feront de l'enfant sauvage un homme accompli.

Mais au delà des péripéties de ce passionnant roman d'apprentissage (attaque de château, guets-apens sinistres, procès pour meurtre...) et des évènements historiques abordés (Guerre d'indépendance des États-Unis, prémices de la Révolution à venir), ce qui fait, à mes yeux, le prix de Mauprat c'est l'éducation sentimentale qu'initie l'ardente Edmée au profit de son jeune barbare de cousin. Dans ce Pygmalion inversé ("My fair Sir"), Galatée s'empare des ciseaux pour façonner l'homme idéal : "(...) ne vous targuez jamais avec moi des droits acquis. L'affection ne se commande pas, elle se demande ou s'inspire ; faites que je vous aime toujours, ne me dites jamais que je suis forcée de vous aimer." La tête, le cœur et les sens.

A travers sa frémissante héroïne, George Sand, en activiste infatigable, libère la parole des femmes. Mi pasionaria, mi bas-bleu, elle défie les conventions et milite pour l'égalité dans le couple (unions choisies et non imposées, sexualité consentie) et, déjà, pour la déconstruction du genre.

Captivant, exaltant, Mauprat est un véritable roman de femme en ce que Sand crée avec Edmée une héroïne terriblement incarnée : quel romancier du XIXe peut se targuer d'avoir inventé une jeune fille aussi authentique qu'Edmée Mauprat ?
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