Viens mourir avec moi

Tu es pire que l’Église catholique, lui disait-elle toujours. Tu veux qu’on soit à la fois des putes et des saintes, qu’on partage avec toi les hauts et les bas, mais qu’à toute heure du jour on ait l’air de sortir d’un magazine de mode. Les femmes comme ça n’existent que dans les films. Achète-toi un abonnement à la cinémathèque.

Le vert intense de ses yeux, l’insistance presque impolie avec laquelle elle le scrutait, peut-être aussi tout simplement le fait de savoir qu’elle était psychologue et lisait probablement en lui comme dans un livre ouvert.

OUBLIEZ Les Experts, oubliez Le Silence des agneaux, oubliez ce que vous avez vu à la télévision ou lu dans un des innombrables bouquins sur ce thème. Oubliez tout ce que vous croyez savoir sur les serial killers. Car en vérité vous ne savez rien. Rien du tout.

Elle s’habilla. Sous-vêtements, collant, jupe grise et le corsage avec des ruchés, tant pis s’il était un peu trop fantaisie pour son âge. Elle approchait les quarante ans. Pour finir, elle se maquilla. La peau de son visage était un peu irrégulière, son teint légèrement brouillé, mais on ne pourrait plus rien y changer, à présent. Beaucoup de femmes avaient ce problème. Rien en tout cas qu’on ne puisse dissimuler sous un léger maquillage. Et même si elle avait eu une peau impeccable et un teint rose et frais de jeune fille, elle se serait maquillée, juste pour le plaisir de pouvoir le faire. Et parce qu’une petite touche de fard aux bons endroits transformait une jolie femme en véritable déesse. Une déesse sur laquelle les hommes se retournaient. Et que les maris, assis au restaurant avec leur femme, reluquaient en douce. Tanja aimait ces regards parce qu’ils lui prouvaient qu’elle était bel et bien une femme, une vraie.

On ne sait quels fantasmes sexuels contre-nature qui rendaient soi-disant les femmes malades et dont seuls les hommes, naturellement, pouvaient les guérir. En réalité, c’étaient eux qui souffraient de fantasmes morbides.

Elle aurait adoré être dans son lit depuis une heure, avec une bonne tasse de thé et un roman d’amour à l’eau de rose qui la transporterait quelque part entre la côte sauvage et les cottages pittoresque de Cornouailles et lui ferait oublier l’affreuse réalité.

Elle l’avait d’abord dragué et voilà qu’au lit elle était devenue brusquement aussi raide qu’un bout de bois. Il n’était pas de ces hommes qui font comme s’ils ne se rendaient compte de rien. Du coup, ils avaient bavardé. Pas exactement l’idée qu’il se faisait d’une soirée de congé relaxante, d’autant que Regine ou Regula était assez agréable à regarder, mais n’avait pas beaucoup de conversation.