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Critique de Dridjo


"- Tu as quel âge ?!
Elle connaissait parfaitement la réponse. Je crois que quand les grandes personnes posent des questions aussi simples, c'est pour faire diversion, parce qu'ils n'ont plus la force de regarder l'enfant en face"

Ne jamais lire un auteur avec un a priori. Même en en étant totalement convaincu, l'on ne peut pas toujours s'empêcher de tomber dans le panneau. Pas d' a priori, ne pas le lire en ayant en tête ses précédentes productions. Sinon, on file droit dans un dead-end de lecture.
Quand on a aimé le "Daddy est mort…" de Insa Sané, on s'élance dans sa lecture de ce nouvel opus – Tu seras chez partout chez toi (édition Sarbacane - Exprim') – en anticipant flics et voyous, pétards et fêtards.
Puis, dix pages, trente pages, cent pages… rien.
En fait, pas rien. En fait, Sény. Sény, gamin de neuf ans que dont nous prenons les pas. Enfant de neuf ans que nous accompagnons dans ses jeux d'avec Adar, Dehiha, Soundjata, amis de coeur mais surtout Yulia, gamine de coeur.

"Dans un livre perché en haut de la bibliothèque de Papa, j'avais lu un jour qu'il ne faut jamais dire jamais. Eh bien, au milieu des nuées, j'ai repensé à tout ceux que j'aime : Papa, Maman, Adar, Déhiha, Soundjata et par-dessus tout... Yulia... Dieu que je l'aime ! Je crois que je l'ai aimée depuis le jour où l'homme en blouse blanche a coupé le cordon à mon nombril pour le lier à celui de..."

Pendant quarante pages nous sommes avec Sény dans cette atmosphère d'enfant, insouciant, dont le coeur entier est occupé par Yulia et, l'esprit, par la façon de regagner les faveurs de celle qui lui a annoncé un "je vais partir".

"Partir comme une hirondelle ou comme un l'oiseau bleu ? A-t-on le temps de ranger les souvenirs dans un sauve-qui-peut..."

Pendant quarante pages, nous sommes autant dans le brouillard que Sény. Cette atmosphère lourde autour des adultes, nous la percevons sans jamais la comprendre, et à l'image de Sény, nous ne nous y attardons pas. Même pas quand la nuit qui est déchirée par un éclair qui signifie le départ, en toute précipitation, de Sény, vers un ailleurs où il est censé se sentir, aussi, chez lui.

Là, le lecteur se dit “ok, maintenant ça va démarrer. Les bourre-pifs, les snifs enneigés et les taffe de bédos”. Que nenni.
Sény reste un enfant. Il reste un enfant de neuf ans qui ne comprend pas son arrivée dans une maison qui n'est pas la sienne, dans une famille dont il ne comprend pas le fonctionnement et un cousin – censé devenir son nouveau frère – qui semble à des années-lumière de ce qu'il est.

"Trop drôle ! le cousin, il peut rester des heures prisonnier derrière les barreaux de son ordinateur, au lieu d'envoyer son esprit rouler au grand air, à chasser les dragons en s'éclaboussant d'eau dans les flasques vaseuses des jardins de l'enfance !"

Nous avançons dans le livre, nous sommes toujours Sény, nous sommes un gamin révolté, nous sommes un enfant qui, de toutes les façons possibles, veut semer le trouve afin que, comme punition, l'oncle Chu-Jung le renvoi "chez lui".

"Carcasses de souris dans le sac à main : Ok !
Lettres d'amour d'un enseignant anonyme : oh, elle y a cru ?!
Messages cochons envoyés depuis son téléphone aux contacts de son répertoire : Fallait y penser"

Fin de la description de l'histoire. 3ème chapitre et le récit part en cacahuète. Toujours s'attendre au "pire" de la part d'un romancier.

L'on entre dans ce récit avec expectative, s'attendant à un certain type de lecture. Puis on avance dans les pas de ce gamin de neuf ans dans lesquels l'auteur réussi à nous scotcher.
Le verbe est chantant, le goût de Insa SANE pour la danse des – bons – mots, pour la ratatouille – gouteuse – des lettres en boutade est toujours présente. Parfois elle nous embrouille, parfois on s'emmêle le cerveau, mais nous tenons la rame ferme et l'auteur réussi à nous mener en bateau.
Un bateau, magnifiquement construit sur ce récit qui nous donne le sentiment de tarder à décoller. "C'est un peu lent tout ça !", même si, si joliment emballé.

Et soudain… sans crier gare, Insa SANE se change en Amos TUTUOLA, le maitre es-ésotérisme du récit onirique Yuruba.
Et soudain… sans même klaxonner, Insa SANE vire à 90° dans l'ombre d'un Lewis CAROLL, roi des merveilles d'une Alice remplacée par un Sény en quête de son "chez lui"
Et soudain… sans que l'influx ne prévienne notre cerveau, nous voilà plongé dans un conte plein de non-sens apparents et qui nous parle du sentiment d'appartenance, de la recherche d'un foyer, d'un amour. Un voyage irréel fait de prince charmant, de combattants pour la liberté, de lady-amour, de monstres et de dragons.
Le pire, c'est qu'on y croit. On est déstabilisé par le récit, on se perd souvent dans le brouillard de "qu'est-ce que c'est ?!", mais on y croit à cette quête de son "chez lui"

"Chez moi" s'écrit en langage indigène, c'est ce lieu dit comme on est, alors d'abord "Chez moi" se crie avec le coeur ! "Chez moi", mon vieux René, c'est l'endroit où je suis sans avoir à penser, ma philo se fie à l'instinct animal heureux comme une bête. "Chez moi", c'est cet espace où je sais que l'on m'attend et où je me languis d'être, please, Seguin, dépêche-toi de m'y envoyer paître !"

Ce nouveau Insa SANE est surprenant. Il est tombé dans les mains d'un adorateur de Science-fiction, d'héroic-fantasy et de récits azimutés d'une façon générale. L'accueil lui est 90% favorable. Les 10% étant la réserve naturelle du sentiment que les choses ne se décantent pas assez vite.
La crainte ? La crainte est que certains lecteurs, moins avides d'aventures littéraires, refusent le voyage, sautent du train alors que la gare où crèche le Graal de la compréhension ne serait plus qu'à un parsec.
Tentez l'aventure Insa SANE et sentez-vous chez vous.

« Chez moi », il y a la famille que j'ai choisie.
"Chez moi", c'est un bol juste assez grand pour y faire tenir le monde. « Chez moi » se danse sur des airs de tra-la-li-la-lère, en tapant sur des bidons ou sur des peaux y a la poussière qui s'évapore.
« Chez moi », l'ennui à la lumière et à l'ombre de midi et quart attend que pousse la queue des lézards.

Lien : http://www.loumeto.com/spip...
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