Je savais que les deux premiers tomes étaient des recueils de nouvelles tandis qu'à partir du troisième, les tomes étaient de véritables romans. Par conséquent, bien que l'histoire principale commence dans ce troisième tome, je connaissais donc un grand nombre des personnages présents ainsi que l'univers dans lequel ils évoluent. Un lecteur pourrait commencer la saga avec ce troisième tome, mais je pense que la dernière nouvelle du tome 2 est nécessaire pour comprendre qui est Ciri.
L'intrigue qui régit l'intégralité du roman est probablement un récit initiatique, centré autour de Ciri et de son apprentissage de la magie. Par conséquent, il n'y a pas réellement de conflit dans ce tome. Même si l'éradication des elfes est un sujet grave souvent rappelé, elle ne concerne pas directement Ciri, de même que Rience, l'antagoniste du récit, qui est davantage confronté à Jaskier et Geralt qu'à la jeune fille. Cette dernière n'a d'ailleurs pas conscience de qui elle est, créant ainsi une tension dramatique particulière entre elle et le lecteur qui en sait plus. Cette tension reste néanmoins assez légère tout au long du roman, l'auteur n'a pas mis l'accent dessus, préférant probablement établir toutes les intrigues politiques au lieu de s'enfermer sur un seul personnage.
Pour parler de l'évolution du récit, celui-ci commence très lentement par un premier chapitre parenthétique, qui a pour seul intérêt d'introduire les conflits entre les royaumes ainsi que l'antagoniste qui révèle s'intéresser d'un peu trop près à Geralt et à Ciri. Cependant, le rythme décolle véritablement à partir du deuxième chapitre, alors que les personnages principaux sont introduits les uns après les autres, selon une avancée logique et pertinente. Toutefois, je me suis trouvée bien embêtée lorsque j'ai dû écrire le synopsis car je me suis rendue compte que le récit ne raconte presque rien. L'intrigue n'est pas centrée sur Geralt, et en vérité il tient même une place secondaire dans ce tome, puisque c'est Ciri qui se trouve au coeur des complots.
L'univers du Sorceleur est connu pour être foisonnant et posséder de nombreux détails et subtilités, tout en s'inscrivant dans un cadre temporel médiéval. Une nouvelle fois, de nombreux peuples sont mis en scène (dont les sorceleurs, magiciens, nains, elfes, humains, et oracles) mais contrairement aux nouvelles présentes dans les deux premiers tomes qui permettaient à l'auteur de s'attarder davantage sur chaque peuple, dans ce troisième tome ils sont expliqués au minimum. Leurs caractéristiques sont données simplement à travers un ou deux traits stéréotypés, rendant la compréhension des enjeux moins aisée. Mais cette complexité est néanmoins un des codes de la high fantasy qu'il faut donc respecter, même si, à l'instar de la multitude de noms des personnages, il en freine quelquefois la clarté de l'ouvrage.
Encore une fois, de nombreux personnages sont mis en scène mais seuls quelques-uns demeurent présents tout au long du récit. Parmi ceux-là nous pouvons compter Ciri, Geralt, Triss Merigold et Yennefer. Même Jaskier occupe une place très secondaire, seulement présent dans quelques scènes, au début et dans la deuxième partie du roman. D'autre part, parmi les personnages peu importants, nous trouvons les nains, les elfes, les scientifiques et les bateliers que les personnages principaux croisent dans leur quête, ainsi que les antagonistes (représentés par Rience) qui n'importunent les protagonistes que de temps en temps et sans être réellement des dangers, d'où mon reproche à l'intrigue qui est trop unilatérale.
À propos de Triss Merigold et Yennefer, ce sont deux magiciennes qui sont d'une part caractérisées par leurs talents, et d'autre part par leur relation avec Geralt. Elles sont toutes deux des conquêtes du sorceleur mais possèdent une place différente dans le coeur de celui-ci. Il est néanmoins plaisant de lire un livre qui place la romance dans le passé. En effet, dans un roman de dark fantasy, il serait étrange de narrer les amourettes entre les personnages principaux (outre Ciri qui peut évoluer à cause de son jeune âge) alors que des évènements graves pèsent comme une épée de Damoclès sur leur tête.
Étonnamment, Geralt n'a pas une place très importante dans ce troisième tome. Il élève certes Ciri au début du récit mais très vite, celle-ci se prend d'amitié pour les autres personnages et Geralt est alors mis de côté au profit d'autres personnages comme Triss. Cependant, cet écartement du sorceleur ne m'a pas dérangée du tout, après avoir passé deux tomes centrés sur lui, cela fait du bien de sortir des sentiers battus et de découvrir d'autres personnalités et d'autres valeurs. Néanmoins, Geralt est probablement un des personnages les plus humains du roman, contrairement à ce que les légendes veulent bien raconter. le désir de neutralité lors des conflits est louable, surtout lorsqu'il explique son point de vue. La moralité tient une position importante dans le récit, faisant réfléchir le lecteur.
Concernant l'écriture, il est important de souligner que l'auteur parvient à faire vivre ses personnages à travers leurs prises de parole, dont les styles sont différents pour chacun d'eux. L'exploit est de faire comprendre au lecteur qui parle sans le dire explicitement, uniquement à travers le choix des mots et l'agencement des phrases. Je suis souvent impressionnée par la capacité qu'a l'auteur de ne pas avoir besoin de décrire ses dialogues. Lorsque deux personnages se parlent en continu, la nécessité d'expliciter des incises n'est pas ressentie, que ce soit pour savoir qui parle ou sur quel ton il parle car les discours rapportés se suffisent à eux-mêmes et sont assez clairs pour ne pas recourir à des informations supplémentaires. Comme il n'y a pas de narrateur pour couper la scène, celle-ci devient beaucoup plus immersive.
Cependant, cet ouvrage présente encore une fois des chapitres très longs, d'une cinquantaine de pages chacun. Ce que je reproche aux chapitres longs, c'est qu'ils ne permettent pas au lecteur de faire des pauses dans sa lecture, et ces longueurs sont essoufflantes. Les chapitres du Sorceleur sont pourtant découpés en scènes très distinctes, mais l'auteur a fait le choix de les regrouper dans un même chapitre. Ainsi, nous avons seulement sept chapitres pour presque 400 pages.
Points positifs :
– style d'écriture merveilleux
– personnages développés et attachants
– intelligence de l'agencement du récit
Points négatifs :
– chapitres trop long
– intrigue légère par rapport à de la dark fantasy
Lien :
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