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Critique de fanfanouche24


« Pendant toute mon enfance et aussi durant les premières années de l'adolescence, ce village pauvre et rustique, avec sa frontière bruissante d'eau et de verdure, avec ses maisons basses entourées du gris argenté des oliveraies, tantôt brûlées par les ardeurs de l'été, tantôt transies par les gelées meurtrières de l'hiver ou noyées par les crues qui pénétraient par les portes, fut le berceau où ma gestation s 'acheva, la poche où le petit marsupial se blottissait pour faire de sa personne, en bien et peut être en mal, ce qui ne pouvait être fait que par elle-même, silencieusement, secrètement, solitairement. (p. 13) »

Lecture débutée en 2015, enfin reprise et savourée complètement, en ce printemps 2020…
Un volume de « menus souvenirs » du Prix Nobel portugais, nous offrant réminescences, anecdotes de son enfance pauvre mais heureuse dans des paysages magnifiques, des grands-parents maternels vénérés… et des évocations de scènes, de personnages réels de cette enfance et adolescence… qui habiteront plus tard ses romans ...!

« L'homme qui s'approche ainsi, brouillé par la pluie qui tombe à seaux, est mon grand-père. le vieillard est fatigué. Il traîne avec lui soixante-dix ans de vie difficile, de privation, d'ignorance. Et pourtant c'est un homme sage, silencieux, qui n'ouvre la bouche que lorsque c'est indispensable. (…)
C'est un homme comme tant d'autres sur cette terre, dans ce monde, peut-être un Einstein écrasé sous une montagne d'impossibles, un philosophe, un grand écrivain analphabète. Quelque chose qu'il ne pourra jamais être. « (p. 123)

Un style limpide et fort poétique, plus fort dans les descriptions de la terre originelle, et des états d'âme de l'enfant qu'était l'auteur ; d'autant plus admirable exercice de la mémoire que José Saramengo a rédigé ses souvenirs d'enfance à la fin de sa vie…rendant vie et hommage à sa famille ainsi qu' à différents personnages, tel le « cordonnier « de son village, lisant Fontenelle !...

Mes deux dernières lectures , même très différentes, se rejoignent sur un thème central : le pays, ainsi que les paysages de nos enfances nous construisent, mais aussi nourrissent en profondeur les artistes, les écrivains. Ce qui est le cas pour Marie-Héléne Lafon avec ses montagnes cantaliennes, et Saramengo, avec le village « rustique » de ses grands-parents maternels, dont il conserve les souvenirs « fondateurs » de ce Portugal pauvre…la vaillance de ses proches dans un quotidien très âpre…


« Sans que quiconque s'en soit aperçu, l'enfant avait déjà déployé des vrilles et des racines, la graine fragile que j'étais alors avait eu le temps de fouler l'argile du sol de ses pieds minuscules et mal assurés pour recevoir la marque indélébile et originelle de la terre, (…) les vents et les bonaces, les douleurs et les joies, les êtres et le néant. J'étais le seul à savoir, sans en avoir conscience, que dans les feuillets illisibles du destin et dans les méandres aveugles du hasard il était écrit je devrais encore retourner à Azinhaga pour finir de naître."

Un magnifique récit… authentique, autobiographique, rendant grâce aux Humbles, aux milieux des plus modestes dont il est issu et fier…
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