AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de candlemas


Suis je un fan de Jean Sol Parte ?
Si l'on en croit la désencyclopédie, probablement tenue par le digne rejeton de Bison Ravi, "Jean-Sol Partre (1905-2005) est le plus grand philosophe louchant depuis que René Descartes fantasmait sur le strabisme. Son premier louchage de plomb, L'être et le néant, constitue la base du rien du tout de la philosophie de l'après-guerre. Fumant jusqu'à 42 paquets de Gitanes par jour, il aurait causé à lui seul le réchauffement de la planète et fut exécuté à Kyoto."
Je m'en défendrais bien : sa tête ne me plait pas, le culte qui lui fut rendu dans les années 50-60 m'agace, et certains de ses engagements politiques me semblent, vus du XXIème siècle, totalement out... je ne ferais donc pas partie, c'est sûr, de la foule en délire l'accueillant pour sa dernière représentation au Parc des Princes... pardon ok ça c'était Johnny...
mais bon pour les mêmes raisons j'aime pôôôô les idoles.

Et pourtant...
O rage, O désespoir ! son oeuvre trône en bonne place dans ma bibliothèque. Pire : j'ai lu vite et sans effort particulier chacun de ces Mots, sans Nausée, en un huis clos délectable, des mouches d'intelligence plein les yeux, et l'Existentialisme ne m'a pas empêché de me salir les mains, ni de me prendre des murs... bien au contraire...
Bref, que je le veuille ou non, je dois beaucoup à Jean Paul Sarte et je ne peux que louer sa qualité d'écriture -rien d'avant-gardiste, c'est vrai, mais c'est précis, efficace, et porteur d'émotion malgré tout- , ses éclairages philosophiques, et la force de ses engagements -à l'époque- anticonformistes. Et, justement à cause de cela, je suis certain qu'il pardonne, depuis sa tombe de Monparnasse, à ceux qui tournent en dérision l'idée fausse que s'en font ceux qui ne l'ont pas lu.

Le Huis Clos et les Mouches auront sans doute été parmi mes préférés.
Que font Garcin, Estelle et Inès dans ce huis clos théâtral ? Ils se débattent dans un enfer où le regard des autres leur renvoie la vérité de leur existence humaine, générant ainsi leur auto-torture psychologique du fait des actes qu'ils ont accompli et sont à présent incapables d'assumer.
c'est génial de simplicité, implacable, et ça résume bien la thèse existentialiste : oui, on peut exister en tant qu'être libre, (l'existentialisme est donc bien un humanisme) ; on est même condamné à l'être , par ses actions, sauf à être "un lâche" ou "un salaud" , mais le revers de la médaille a pour nom responsabilité.

Les Mouches, autre pièce de théâtre, d'inspiration antique et qui me fait penser pour cela aux pièces de Giraudoux, traite aussi de la culpabilité, du repentir et de liberté. Les mouches (Erynies) n'y sont pas instrument de punition mais vecteurs de repentance, non dans un sens religieux (pour gagner le paradis) mais humaniste : il s'agit d'assumer avec bonne foi sa responsabilité, regagnant ainsi sa liberté...

Quel courage que de faire jouer en 1943, en pleine occupation, cette pièce où la peste infectieuse s'étend sur le pauvre peuple d'Argos, et qui constitue ouvertement un appel à la résistance...
Après, assumer sa liberté/responsabilité existentielle... cela demande aussi beaucoup de courage et est plus facile à dire qu'à faire. Il ne suffit pas de lire Sarte ou Eidegger pour y parvenir. Je finirai donc par une critique : j'ai trouvé plus dans les conseils pratiques de maîtres bouddhistes ou dans la méditation que dans la lecture de Sarte des raisons d'espérer parvenir à ce grand idéal. La même critique pourrait être portée sur Nietzche. A défaut de propositions plus pragmatiques et abordables pour qui n'est pas un "grand homme" ou "une grande femme", le repli nihiliste contemporain n'est pas bien loin... ce qui explique sans doute que notre XXIème siècle soit plus sensible au crash désespéré de Saint Ex ou au wanderung solitaire de Tesson qu'aux mises en scène responsabilisantes de Sarte ou au prêche admonestatoire de Zarathoustra...
Commenter  J’apprécie          211



Ont apprécié cette critique (19)voir plus




{* *}