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Critique de Erik_


Erik_
26 février 2023
Ce quatrième tome qui couvre la période 1987-1992 est celui de l'adolescence de l'auteur Riad Sattouf qu'il va passer en Bretagne.

On en était resté avec un départ probable en Arabie Saoudite. Fort heureusement, cela ne va concerner que le père de famille qui obtient un poste de professeur dans ce merveilleux pays qui a compensé son amitié pétrolière avec les USA avec un peu plus de rigueur dans la religion afin de s'acheter une respectabilité au Moyen-Orient. Evidemment, ce sont les femmes qui ont payé le plus lourd tribut en étant déposséder de pas mal de droits élémentaires. On peut comprendre aisément que la mère de famille a préféré rester en France avec les enfants qui y sont scolarisés.

Le père devient de plus en plus religieux mais également raciste. Il déteste au plus haut point les juifs mais également les occidentaux et en tout premier lieu les français qui l'ont pourtant bien accueilli. Il pense que la vie est bien meilleure en Syrie ou en Arabie Saoudite alors que ces pays sont totalement fermés sur la liberté de penser autrement. Il en fera d'ailleurs l'amer expérience durant l'épisode de la première guerre en Irak en critiquant le cheikh du Koweït.

En réalité, on s'aperçoit qu'il se tourne vers la religion car il est en perpétuelle recherche de reconnaissance entre un frère qui l'avait brimé durant son enfance et une mère religieuse lui faisant des reproches incessants. Dans le village, il n'était pas du tout respecté malgré son statut de professeur. Idem sur son lieu de travail à l'Université. Cependant, en devenant un homme pieu appliquant strictement les règles du Coran, il apporte un autre regard et gagne petit à petit la confiance de ses semblables.

Cependant, il a construit sa vie avec une française ce qu'il semble regretter amèrement. Il dira que la femme syrienne est beaucoup plus obéissante car elle ne fait pas ce qu'elle veut. Je me rends compte que c'est un homme entièrement tourné sur lui qui préfère garder son argent que partager avec sa famille. La séparation avec son épouse devient inévitable car elle va commencer sérieusement à se rebeller surtout depuis qu'elle a pu échapper à un effroyable cancer sans son soutien.

Le modèle politique du père en France est Jean-Marie le Pen. Il est vrai qu'il appréciait déjà grandement Mouammar Kadhafi, Hafez-el-Assad ou encore Saddam Hussein dans les pays arabes. La mouvance est clairement d'extrême-droite et nationaliste. Il pense que le peuple est plutôt ignare et a besoin d'un dirigeant assez fort pour les mener sur le chemin de la dignité. On peut quand même s'interroger surtout venant d'un homme soi-disant érudit.

Je dois bien avouer que j'ai été extrêmement choqué par une scène pour le moins banale. le chien de la grand-mère fait la fête à toute la famille et il lui balance un coup de pied comme si de rien n'était en réponse à cet acte d'amour animal. Il déteste également les chiens qui dans sa bouche est synonyme d'insulte. Comment peut-on se comporter aussi mal et ne pas se remettre en cause ? Je trouve que la famille française a fait preuve de beaucoup d'indulgence à son égard.

Un mot également sur sa radinerie qui dépasse quand même l'entendement. Je veux bien qu'il pique l'argent que les enfants reçoivent en cadeau. Je veux bien qu'il utilise le téléphone de la grand-mère où il désire être rappelé quand il appelle sa famille d'Arabie Saoudite afin d'économiser le coût d'un appel. Mais comment peut-il donner si peu d'argent à une mère de famille élevant ses trois enfants alors qu'il aurait de quoi mieux les aider ? Oui, une attitude normale serait d'être scandalisé par ce type de comportement outrancier.

Les trois garçons ont gouté au mode de vie occidental et il n'y a pas photo. Certes, il y a également des imbéciles en France qui sont racistes mais c'est sans commune mesure avec le monde arabe. On se souvient de l'école élémentaire syrienne où les enfants étaient embrigadés contre tout ce qui pourrait s'apparenter à un juif. Notre auteur en a d'ailleurs vécu l'amer expérience, devant à chaque fois se justifier de ne pas l'être.

Les divergences de pensées et ce mode de vie à l'occidental aura eu raison de cette relation avec le père. Il y aura des moments assez forts dans ce déchirement. le style narratif de l'auteur fait que cela reste à la fois poétique et drôle. La vie peut être parfois assez complexe. On voit bien que l'auteur se contente de décrire les faits sans apporter une once de jugement afin de rester neutre. J'aime bien cette retenue qui fait dans la mesure.

La personne du père, vu au départ comme l'arabe du futur, est totalement haïssable. Certains y ont vu une oeuvre qui renforce les stéréotypes sur les arabes. Je ne pense pas qu'il faut le voir ainsi. L'auteur ne se dérange pas non plus pour taper sur le monde occidental qui n'est pas toujours clean dans son attitude.

La lecture est toujours aussi agréable grâce à un graphisme assez fluide. le trait est simple mais efficace. A noter également que les personnages sont assez expressifs.
Par ailleurs, l'auteur est sans complaisance pour lui-même ce qui le rend d'autant plus sympathique. On arrive à ressentir les choses qu'il a traversé.

Et que dire de cette fin qui plonge la famille dans un véritable drame ! Ce tome prend une tournure tragique que l'on refusait de voir arriver. le récit devient bouleversant et il a encore gagné en intensité. C'est tout simplement magistral. C'est ce qui fait d'ailleurs tout le charme de cette série qui a été plébiscité dans le monde entier (sauf le monde arabe curieusement). Je comprends désormais un peu mieux le succès de cette BD qui a contribué à amener un nouveau public au roman graphique.

C'est assurément un ouvrage de qualité, et un graphisme singulier qui fait que je ne regrette absolument pas mon achat. Pour l'instant, c'est le meilleur tome de la saga familial.

Au final, je dirai que c'est un tome de grande modernité qui parvient à imbriquer la petite histoire dans la grande ! C'est un incontournable, tout simplement !
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