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Critique de Dolat


« Le rail était toute notre vie. »
 
Pourquoi la vénérable Gladys, à plus de 70 ans, décide-t-elle un beau jour de quitter sa petite existence dans le village de Swastika, de planter là sa fille et ses voisins pour s'enfuir en train à travers le Canada ?

C'est ce mystère que le narrateur de ce roman va s'escrimer à élucider en reconstituant presque heure par heure la fugue afin d'en comprendre les motifs. Pour cela, il recoupe les témoignages des proches, amis, voisins ou parfois simples inconnus embarqués dans l'aventure. Toute une galerie de personnages extrêmement attachants car Jocelyne Saucier s'y entend pour prêter attention à chacun, donner de l'épaisseur de l'humanité à la moindre silhouette. Ainsi de cet « Ukrainien qui ne parle que l'ukrainien », croisé au détour d'une phrase et qui nous vaut une des scènes les plus émouvantes de ce récit…
 
Tout par touche, c'est aussi toute l'histoire (ou plutôt une certaine histoire) du Canada qui prend vie : celle de ces petits villages perdus au fin fond de nulle part, improbables mélanges d'immigrés venus de tous horizons et de marginaux à la recherche de l'aventure ou parfois d'un simple travail dans le Grand Nord. Assemblages a priori hétéroclites mais formant des communautés chaleureuses, singulières, unies par des conditions de vie extrêmes.
 
Et surtout, reliées, alimentées par le train, indispensable cordon ombilical permettant d'acheminer les biens et de maintenir les liens en transmettant les nouvelles et informations les plus diverses malgré les distances.

Un train, des trains plutôt, passion commune, élément presque fondateur pour tous les personnages du récit. du narrateur cherchant à sauvegarder un Transcontinental menacé de disparition à Gladys (oui, on y revient), enfant des mythiques et incroyables « school trains ». Une épopée en minuscule qui nous vaut les plus belles pages du roman et qui aurait pu faire l'objet d'une saga à elle seule.
 
Bref, sous ces dehors un peu foutraques et sa narration tout en digressions, Jocelyne Saucier construit en 250 petites pages un récit touchant, humain, social sans le dire. Difficile d'oublier Suzan l'amie d'enfance et sa manie du touk-e-touk, l'improbable Janelle qui verra sa vie bouleversée par la fugue de Gladys et surtout Lisana, soleil noir de ce récit, fille de l'héroïne, à la fois sa fierté et sa souffrance.
 
Avec A train perdu, on embarque hors des sentiers balisés pour une histoire qui avance à son rythme et ne nous conduit jamais vraiment là où on croit aller, et c'est un vrai plaisir.

Une élégante réussite.
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