Elle avait pris son service la veille, engagée à l'essai pour un mois, malgré les réserves de madame, Monsieur avait ordonné. Cette petite. Jeanne, son amour. Dès leur première rencontre lors de ce fameux petit déjeuner où Madame avait renversé sa tasse de cacao et gourmandé cette fille bayant aux corneilles, il l'avait aimée.
Quoiqu'il en soit, elle avait une grande affection pour lui Pierre, qu'elle considérait comme son fils qu'elle n'avait jamais eu. Il ne devait pas la décevoir et se faire engager comme jardinier, futur fils adoptif qui hériterait de sa fortune. Si elle avait eu quelques faiblesses avec lui, qu'il ne le regrette pas. La guerre changeait tous les codes moraux. La différence d'âge ? S'en portait-il plus mal ?
Oui , l'Orphelinat de agricole de Voiron était la meilleure école de la vie, qui lui apprenait chaque jour qu'il serait toujours seul et qu'il ne pourrait compter que sur lui-même. Jamais, il n'aurait le droit de s'apitoyer sur son sort. C'était la plus grande réussite de son éducation...Dans ta vie, reprit Auguste Bonnabin, tu croiras avoir des amis. Douce illusion. L'oubli des peines partagées, les cigarettes offertes... la survie avant tout dans cette existence de merde que l'on t'a offerte généreusement depuis ta naissance. Pierre Trouvé, ne soit jamais mon ami, je serai le premier à te cracher dessus si ça servait mes intérêts. En attendant, je veux bien croire que tu m'es sympathique et ce soir nous partagerons une cigarette.
Il avait des perspectives d'avenir, une promesse de poste de conseiller général, un rêve d'un siège confortable de sénateur dans un palais de la République d'où il aurait pu sermonner ses sujets, après un repas de qualité et une longue sieste réparatrice, leur reprochant de na pas assez travailler.