AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Aelinel


Je découvre toujours grâce à Boudicca du Bibliocosme des bandes dessinées historiques très intéressantes à l'instar du Photographe de Mauthausen dont je vous ferai la chronique très prochainement. Et une fois de plus, son coup de coeur a été le mien!

1761 : Sur l'île de Madagascar, le capitaine Jean de Lafargue embarque à bord de son navire L'utile une cargaison de vivres pour les revendre sur l'île de France (île Maurice aujourd'hui) ainsi que 160 esclaves de manière illégale. Conscient qu'il brave la loi, il décide de suivre une nouvelle route pour rallier sa destination. Malheureusement, son navire s'échoue sur un récif de corail, le 31 juillet à quelques centaine de mètres d'une toute petite île inhospitalière. Sur les 160 esclaves, seuls 80 ont survécu et du côté des marins, 17 ont péri.
2008 : Sylvain Savoia, dessinateur, part pour l'île de Tromelin pour une durée d'un mois et demi. Sur place, l'équipe d'une douzaine de personnes est composée de techniciens et de scientifiques en tout genre (météorologues, archéologues ou historiens). C'est le chef de mission et archéologue Max Guérout qui a convié l'auteur de la bande dessinée pour non seulement illustrer cette seconde campagne de fouille mais aussi redonner vie aux esclaves de Tromelin dont le séjour de quinze ans aura laissé des traces sur l'île.

La bande dessinée est parfaitement équilibrée car elle se compose de deux parties, d'un épilogue et d'un dossier documentaire d'une douzaine de pages à la fin. Dans chaque partie, elle alterne entre le XVIIIème siècle et le XXIème siècle ce qui donne beaucoup de dynamisme au récit et provoque l'attente chez le lecteur.

La partie du XVIIIème siècle est pour moi la plus intéressante. Et l'auteur a fait un choix scénaristique des plus originaux. En effet, il part du point de vue de Tsimiavo, une des jeunes femmes esclaves embarquées à bord de l'Utile et qui fera partie des rescapées. Ainsi, les Blancs parlent une langue incompréhensible et grâce au récit, le lecteur partage les sentiments de la jeune femme :
- l'épouvante d'être arrachée de sa terre natale pour être acheminée dans un lieu inconnu et dans des conditions abominables.
- la colère lorsque les Français l'abandonnent, elle et les siens, sur l'île, en promettant de venir les chercher...
- le désespoir d'avoir été abandonnée et de ne pouvoir s'échapper de cette prison à ciel ouvert.

Ce choix scénaristique n'aurait pas été possible sans l'éclairage nouveau des campagnes de fouilles menées par Max Guérout. En effet, les sources de l'époque sont lacunaires et donnent essentiellement le point de vue des Blancs que ce soit le récit du naufrage rédigé par l'écrivain de l'Utile, Hilarion Dubuisson de Kéraudic ou le certificat de baptême du fils de Tsimiavo et rédigé par le gouverneur de l'île de France, Jacques Maillard de Mesle. Les sources archéologiques, quant à elle, donnent des preuves concrètes de l'incroyable adaptation de ces hommes et femmes oubliés.

En conclusion, Les esclaves oubliés de l'île de Tromelin est une bande dessinée pour laquelle j'ai eu un véritable coup de coeur : très bien documentée et passionnante, elle permet non seulement de mettre au jour le destin de ces hommes et femmes oubliés de l'Histoire mais aussi de dénoncer la cruauté des négriers. Saviez-vous d'ailleurs que cet épisode sera relaté par l'abolitionniste Condorcet dans son livre Réflexions sur l'esclavage des nègres paru en 1781? L'abolition de l'esclavage, quant à elle, est d'ailleurs votée en 1794 avant d'être abrogée plus tard par Napoléon 1er en 1802 puis définitivement adoptée en 1848.
Lien : https://labibliothequedaelin..
Commenter  J’apprécie          80



Ont apprécié cette critique (8)voir plus




{* *}