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Critique de umezzu


Ce livre présente chronologiquement l'évolution du principal service de police judiciaire français en matière de lutte contre les stupéfiants : l'OCRTIS, sous l'impulsion de son chef de service François Thierry.

A peine arrivé en fonctions, en 2010, Thierry fait un constat : la lutte contre le trafic de stupéfiants menée au niveau local est vouée à l'échec, tant que des organisations continueront à alimenter le territoire français. Pour lui, il faut casser les réseaux d'approvisionnement, en étant informé des arrivées de grosses quantités sur le territoire. Pour se faire, il va rencontrer en prison un gros trafiquant originaire de l'Est de la France, réputé pour être un des très gros apporteurs de cannabis en France : Sophiane Hambli. Hambli est sous le coup d'une lourde condamnation. le deal entre le commissaire et le truand est clair : si Hambli donne suffisamment d'informations sur les réseaux d'approvisionnement, il bénéficiera de remises de peine.
Cet accord donne ces premiers fruits. Plusieurs réseaux de revente sont ciblés par l'OCRTIS et démantelés par les services de PJ régionaux.
Pour arriver à ce résultat, il faut permettre dans un premier temps à la marchandise d'entrer sur le territoire. Dans ce processus, dit de livraison surveillée, l'Office central doit informer la magistrature de son opération. Au début, cette information allait au TGI de Paris, puis plus tard seuls les tribunaux d'entrée sur le territoire, comme Perpignan, étaient avisés de l'existence d'une opération surveillée.
Hambli informe efficacement son référent, qui, contrairement aux usages, n'est pas un quelconque OPJ, mais directement le chef de l'Office, Thierry. Il le fait tellement bien, que Thierry lui laisse mener la danse. Les agents de l'OCRTIS vont même aller aider à des débarquements de cannabis sur le sol espagnol. Thierry obtient des résultats, mais Hambli, lui, s'assure un quasi-monopole.

Cet accord est évidemment destiné à rester dissimulé. Mais voilà qu'en octobre 2015, la Direction Nationale des Recherches et Enquêtes Douanière (D.N.R.E.D.) met la main sur sept tonnes de produits stockés dans des camionnettes en plein XVI éme arrondissement de Paris. La marchandise appartient à Hambli, qui l'a fait rapatrier sur Paris, suite à une saisie douanière inopinée. Problème : il ne faut pas longtemps pour s'apercevoir que le stock saisi était entré en France protégé par la police française.

Situation absurde, où chacun tente de se défausser. Thierry met en avant ses résultats, sur l'air de « on n'attrape pas des mouches avec du vinaigre ». le parquet de Paris clame avoir été dans l'ignorance la plus complète. Les douaniers sont accusés d'avoir délibérément cherché à « planter » l'informateur du service concurrent.

Le livre laisse une impression de malaise. La lutte contre le trafic de stupéfiants semble à jamais perdue. Les moyens juridiques mis à disposition des enquêteurs sont limités (l'affaire a permis depuis l'élaboration de nouveaux textes en la matière, mais les services policiers sont désormais frileux). L'idée de comptabiliser les résultats des services pour en juger l'efficacité montre sa totale stupidité. L'action de l'État régalien est reléguée par des politiques incultes en une recherche effrénée de « batonite ». Tant d'affaires pour tel service, c'est bien ; si les autres ont fait moins, c'est que leurs chefs et leurs agents sont incompétents. Aucune analyse des circonstances, des modes d'intervention...

Thierry a fini par être piégé à ce petit jeu là. Est-il le seul responsable des dérives constatées ? Les magistrats, qui se cachent derrière les policiers pour ne rien savoir des méthodes employées sont-ils des hypocrites ? Les politiques doivent-ils revoir leur copie ? Légalisation partielle ou vrais moyens déployés contre le phénomène ?

Pendant la lecture de ce livre, au style journalistique, très facile à lire et très clair, la chambre de l'instruction a cassé une partie de la procédure de saisie dite « du boulevard d'Exelmans ». Des documents, qui incriminaient directement Hambli, avait été trouvés dans les camionnettes et remises au policiers chargés de l'enquête dans un sac poubelle noir, sans dénombrement préalable, ni référencement des pièces. Énième rebondissement d'une affaire hors normes, qui laisse pensif.
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