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Critique de Jean-Daniel


Ecrit par Bernhard Schlink, le Liseur, dont le titre original est Der Vorleser, a été traduit dans plus de 30 langues.

La première moitié du livre nous propose le récit d'une liaison atypique, compte tenu de la différence d'âge, entre un garçon de 15 ans et une femme très secrète de 35 ans. La jeune femme, Hanna, ne parle jamais d'elle, ni de sa famille ou de son passé. Michaël, le jeune homme, passe de longues heures à lui faire la lecture de grands classiques, avant que celle-ci, au bout de quelque mois, ne disparaisse mystérieusement sans laisser d'adresse ou la moindre explication.

Quelques années plus tard Michaël, étudiant en droit, retrouve Hanna lors d'un procès où elle est accusée de crimes de guerre ; Hanna était en effet gardienne au camp d'Auschwitz et a directement ou indirectement participé à la mort de centaines de femmes juives. Elle sera condamnée à 18 années d'emprisonnement…

Le roman est construit sur quatre périodes essentielles : la rencontre et l'idylle ; le procès ; le temps où Hanna est en prison ; puis l'épilogue. Le suspense est maintenu tout au long du roman qui est d'une lecture facile. La simplicité du style est étonnante, la construction est sobre, les phrases sont courtes et le vocabulaire reste dans le registre courant. Le style littéraire de Schlink est assez froid (peut-être est-ce en partie dû à la traduction ?) et invite le lecteur à la distance et à la réflexion. De fait, la sobriété du style est voulue, dégageant une certaine réserve qui correspond à la gravité du sujet et au choix de ne pas prendre parti.

Sentiment de culpabilité
Le sentiment de culpabilité est central dans ce roman, cette culpabilité qui est, directement liée à la question de la responsabilité. Depuis 1945, les « intellectuels » n'auront de cesse de réfléchir sur la charnière douloureuse entre culpabilité individuelle et collective. Hannah Arendt insistait sur la nécessité de réintroduire une culpabilité individuelle au moment où la généralisation des bourreaux donnait lieu à une dilution de la culpabilité dans un collectif. Après 1945, en Allemagne, il était tout aussi impossible d'être réellement coupable que d'être réellement innocent.

Ainsi, la nécessité du pardon a longtemps été ce besoin de résilience des enfants des Allemands de la génération hitlérienne ; thème développé dans ce livre car comment affronter cet héritage avec un terrible sentiment de culpabilité ? En fait, le jeune Michaël ressent un fort sentiment de culpabilité alors qu'il n'est coupable de rien, sauf d'avoir, sans le savoir, aimé une criminelle et de devoir porter sur ses épaules le poids de la faute collective de la génération de ses parents. Il ressent ce sentiment bien plus qu'Hanna, même si l'auteur ne dévoile rien de ses pensées.

Sentiment de honte
Le texte est constamment imprégné d'un sentiment de honte tant chez Michaël que chez Hanna.
Michaël, le jeune narrateur oscille entre la honte de son amour pour Hanna, de quinze ans son ainée, et la honte de l'avoir ensuite grandement abandonnée, de ne pas l'avoir assez aidée. Il est en pleine confusion de sentiments et ne sait pas s'il doit aider ou condamner Hanna.
La peur d'avoir honte est un état permanant chez Hanna qui évolue d'une honte provenant de son illettrisme à une honte résultant de son activité criminelle durant le nazisme. L'illettrisme est donc au coeur de ce roman. Il est la cause de tout et prend une place considérable dans la vie des deux personnages. Hanna tient à garder ce secret qui sera finalement l'une des causes de sa destruction. Admettre ce handicap lui permettrait de se dédouaner des plus lourdes charges qui pèsent sur elle et lui sauverait la vie mais la honte la dévaste.

Qu'auriez-vous fait ?
La question centrale de ce livre (écrit dans les années 90) est la même depuis plus de 70 ans, cette question qu'Hannah pose, naïvement, au président de la cour lors du procès : « Qu'auriez-vous fait ? ». Qu'aurait-on fait à la place d'Hanna ? La question est complexe, douloureuse.
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